Ce sera l’une des deux expositions de l’été à Blois. Photographes de guerre de Titwane et Raynal Pellicer, en partenariat avec Les promenades photographiques, raconte le parcours de deux hommes, de deux Allemands journalistes (ils ont fui l’Allemagne nazie en 1933) qui vont couvrir avec Leica et Rolleiflex la Guerre d’Espagne dès juillet 1936, en vivre toutes les péripéties, du coup d’état contre la République à la fin sanglante, la victoire de Franco et l’abandon de l’Espagne par les démocraties, France et Angleterre en tête. Hans Namuth et Georg Reisner, hommes de conviction et de courage revivent grâce à Raynal Pellicer et Titwane au dessin et couleur. Un album d’une rare intensité, remarquablement documenté, découpé, un dessin dans lequel on plonge à la suite de deux photographes de guerre qui, avec Capa et Taro qu’ils croisent, ont ouvert la voie à des générations de pros de l’image qui mettent leur vie en péril pour la liberté de témoigner.
Avril 1941 sur un paquebot pour les USA Hans Namuth se souvient et ne veut pas abandonner ses fantômes. Juillet 36 Georg Reisner 24 ans et Hans Namuth 21 ans glissent des pellicules dans leurs appareils. L’Espagne à Barcelone organise des Olympiades populaires pour protester contre les J.O. de Berlin. Ils travaillent pour VU, un magazine reconnu d’actualité photo fondé par Lucien Vogel. Sur les Ramblas la foule s’agite. Au Maroc espagnol l’armée d’Afrique s’est soulevée contre la République. Réaction immédiate du gouvernement après en 1932 la tentative de coup d’état. La République est sur le fil, Union de la Gauche pro-communiste contre Droite. Le 17 juillet des rafales crépitent dans Barcelone. Les deux photographes foncent sur le terrain. Groupes de combat anarchistes, Garde Nationale restée fidèle, armureries pillées, Barcelone est en pleine guerre civile. Majorque où les deux amis avaient monté un magasin de photos est tombée. Ils n’on plus rien. Mais leurs premiers reportages partent à Paris. L’Espagne républicaine résiste mais coupée en deux.
Le choix de ponctuer les cases de dessins repris à partir de photo est bluffant. Le déroulé est d’une rare efficacité au point d’avoir l’impression de suivre justement un reportage de guerre doublé d’une aventure humaine et professionnelle d’exception. Un hommage et un rappel, celui de la lâcheté de démocraties qui laisseront tomber la République alors que la France est sous le Front Populaire, du grand frère-russe déjà puissant, des régimes fascistes à l’aide de Franco, une situation qui sera le prologue à 1939 et devrait rappeler à beaucoup que même si l’Histoire ne se répète pas elle peut tenter de le faire. Enfin les photographes de guerre sont l’honneur de la profession sur tous les fronts aujourd’hui encore et toujours, Camus, Perraud, Brigitte Friang, Ferrari, Schoendoerffer, Larry Burrows, Sean Flynn, Lee Miller, Chauvel, Gerda Taro, Catherine Leroy, Christine Spengler, la liste est belle et longue. Rien n’égale une photo.
Photographes de guerre, Hans Namuth et Georg Reisner, 1936-1940, Albin Michel, 22,90 €
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