Un récit italien de Emiliano Pagani (Kracken) et Vincenzo Bizzarri (Lapérouse 64) au dessin, une histoire où Les ennemis du peuple, titre de l’album, couvre la part sociale mais surtout humaine que représente le drame d’une usine délocalisée. Italie ou ailleurs en fait, la fin d’un monde, la situation est sans frontière aujourd’hui ou hier. Emiliano Pagani, ancien ouvrier lui-même, porte un regard vif, teinté d’émotion mais objectif sur une classe sociale qui a perdu espoir, incapable de s’unir. Avec Vincenzo Bizzarri, ils matérialisent des personnages plus que crédibles.
Un corps dans un champ, un Colt non loin. Hannibal conduit. C’est un vieux syndicaliste qui médite sur les riches, les classes moyennes qui ont droit à un peu de soleil. Et le quartier où il habite où on fait les trois huit minimum. Son fils Fabio à ses côtés a jeté un objet par la fenêtre. D’un coup de volant il évite dans la nuit un cycliste sur la rocade. Ils arrivent à l’usine pendant que Chiara enceinte, l’ancienne petite amie de Fabio vit avec un carabinier. Elle travaille dans un centre pour migrants. A l’usine les ouvriers manifestent contre la délocalisation, les licenciements. Des quartiers, des centaines de familles, des voisins, tout un monde se trouve menacé par le plan de délocalisation d’une multinationale. Négocier pour ne pas tout perdre ? Hannibal regrette presque les Brigades Rouges. Fabio a un match à jouer. Il rencontre Mirco, un ouvrier qui avec ses BD d’heroic-fantasy parle de l’usine et de la lutte sans pouvoir les faire publier.
Un engrenage fatal pour ces acteurs impuissants d’une tragédie qui les submerge. La mort des rêves, les media à l’affut, une manif contre l’immigration, la violence et les dérapages. Un espoir mais très fin. Une chronique forte, sans faille ni concession sur un dessin efficace.
Les ennemis du peuple, Éditions Glénat, 22,50 €
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