Si on posait la question depuis quand les femmes peuvent-elles courir en compétition sur plus de 1,5 km, on aurait sûrement des réponses avec des dates qui remonteraient au mieux au début du XXe siècle, au pire aux années 40. Mais qui envisagerait qu’en 1971 les femmes étaient toujours limitées par l’Union internationale des athlètes amateurs à cette distance pour de pseudos raisons médicales ? Une Femme dans la course raconte ce combat pour avoir le droit à la liberté de courir, ne pas être considérée comme inapte face à l’effort. Gwenola Morizur au scénario (Se jeter à l’eau) et Marie Duvoisin au dessin (Jukebox Motel) ont lancé leur héroïne Christine sur la piste du marathon, au nom de toutes les femmes, personnage romanesque synthèse d’une lutte juste, courageuse face à un monde méprisant, machiste et dominateur.
En 1959 la jeune Christine court à toute allure sur la roue. Elle a une vie tranquille et sa mère est enceinte. Mais l’accouchement se passe mal. La maman et son bébé ne survivent pas. Christine joue avec ses amis et montre une terrible efficacité, rapidité quand elle court sur des longues distances ce dont elle ne se savait pas capable. A l’école elle défie un garçon, Joseph. Qui va courir le plus vite ? C’est elle bien sûr mai elle est punie. Courir devient instinctif pour Christine qui progresse. En avril 1971 elle se prépare au troisième marathon de France. Son ami Marcel essaye de la convaincre de ne pas le faire, elle peut être arrêtée car elle n’a pas le droit de courir. En 1969 dans son village son père la marierait bien à Marcel pour qu’elle reprenne la ferme. Son père a un accident en 1970 et Christine découvre à la TV le marathon. Son but va être de s’entrainer pour le faire. 11 avril 1971, elle est à Boulogne bien que sa candidature parce qu’elle est une femme ait été refusée. Mais elle est bien décidée.
La suite elle est à lire dans cet album qui rend justice à la volonté. L’histoire est belle et on vit la course en direct aux côtés de Christine, son amour avec Joëlle, ses coureurs qui vont l’aider, la protéger pendant la course, les encouragements du public, la bêtise des organisateurs. Elle est une femme dans la course, elle souffre et ira au bout. En 1972 à Boston les femmes auront le droit désormais de courir sur toutes les distances. A Paris en 2024, 15 000 femmes étaient inscrites. Un dossier historique nécessaire conclue l’album et on y apprend que courir a été un droit chèrement acquis même pour les hommes champions sur longue distance mal vus par rapport aux sprinters. En 1981 le marathon féminin sera inclus aux JO et couru en 84 à Los Angeles. C’était hier.
Une Femme dans la course, Éditions Le Lombard, 19,95 €
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