Une reprise en non des moindres pour tous les fans de William Vance dont Bruce J. Hawker était la série fétiche, celle qu’il préférait. C’est Christophe Bec qui en a écrit le scénario, un diptyque pour ces nouvelles aventures, premier tome L’œil du marais sur un dessin très réaliste, à la limite académique de Carlos Puerta. Christophe Bec avec Ligne Claire a évoqué tous les détails de cette reprise importante. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Christophe Bec, vous étiez un lecteur de Hawker ?
Oui, j’ai découvert Bruce J. Hawker dans le journal Tintin auquel j’étais abonné. Avec en fait la prépublication du tome 2, L’Orgie des damnés. J’étais ado et cela avait été un choc visuel. Depuis très longtemps William Vance me marquait avec ses BD, Bruno Brazil et Bob Morane. J’ai été « achevé » par Hawker, les pages de tempête, les ambiances, etc…
Vous avez rencontré Vance ?
Jamais, malheureusement. J’aurais bien aimé.
C’était un homme charmant.
Oui très réservé m’a-t-on dit.
Vous étiez aussi un amateur d’histoires maritimes à grand spectacle comme le film Master et Commander ?
Non, je ne suis absolument pas un spécialiste de ces récits et c’est bien pour ça que cette reprise de Bruce J. Hawker ne s’est pas imposée facilement ni simplement. Ce n’est pas une commande de l’éditeur. Cela c’est fait un peu par hasard car pour une reprise de Bob Morane j’ai été mis en contact avec le fils de William Vance, Eric. Je voulais lui demander l’autorisation d’utiliser le logo Bob Morane créé par son père et de redessiner les pages de garde des Bob Morane. Le contact est bien passé avec Eric. Un jour il m’a dit « toi qui aime le travail de mon père, pourquoi ne reprendrais-tu pas ses séries ? » Au départ j’étais parti sur Ramiro plus abordable en écriture mais Dargaud n’a pas été intéressé. J’ai pensé ensuite à Hawker mais qui me semblait une montagne et me faisait un peu peur. J’ai parlé du projet au Lombard et là de suite le directeur éditorial Gauthier a été très enthousiaste. Il savait que c’était la série préférée de Vance. Pour eux c’était une évidence que si il y avait une série à reprendre, la plus pertinente était Bruce J. Hawker. Donc je me suis penché sur une potentielle reprise.
Cette reprise a lieu, l’album est là. Une histoire à grand spectacle, abordage, tempête, comment a été choisi le dessinateur ?
Carlos Puerta avait souhaité me rencontrer à Saint-Malo. Il voulait qu’on fasse quelque chose ensemble mais je n’avais rien de très avancé à l’époque. Rapidement quand Hawker s’est présenté j’ai pensé à Carlos. Son style est éloigné de celui de Vance mais il avait déjà dessiné des bateaux. Il se rapproche des peintres maritimes du XIXe ce qui était pertinent. Il a fait une page test qui a convaincu Le Lombard.
Il travaille de façon traditionnelle ? Vous lui avez servi un scénario touffu, complexe, très détaillé, des personnages marquants. Pourquoi rattacher à cette histoire le trésor des Templiers ?
Oui il ne fait peut-être pas les couleurs en tradi. Pour la suite de votre question, les détails, il ne m’a pas suffit que de documentation. J’ai vite vu que devant la complexité du monde maritime j’allais être limité. Je me suis fait aider par Jean-Yves Delitte, bien connu en BD et peintre officiel de la marine belge. Il a relu le script, le découpage, il m’a grondé, conseillé et j’espère grâce à lui avoir évité des erreurs qui feraient hurler les spécialistes. Même Vance, pourtant pointu, avait pu lui aussi en faire. J’ai vu des films, j’ai lu bien sûr. Ensuite pourquoi les Templiers, un hasard encore. Pour ce projet il fallait trouver une idée. Que du maritime ou aussi de l’aventure ? Hawker c’est les deux. Je regarde une émission sur les chasseurs de trésor sur une petite île de la Nouvelle Écosse où il y en aurait un enfoui. Un bateau anglais aurait abordé l’île, on ne sait pas trop pourquoi. On a retrouvé un bouton d’un officier anglais. Déclic, pourquoi par Bruce J. Hawker.
Puerta a eu un scénario complet avec des retours sur ses planches ?
Oui pour le scénario. Carlos a un dessin hyper réaliste et sa narration a bien fonctionné donc je ne suis presque pas intervenu, des petits détails.
Vous avez repris presque toutes les bases de ce genre de récits. Plus des mercenaires sur la goélette et en prime, une femme qui a vraiment existé, Félicité de la Rochefoucauld qui va faire jeu égal avec Hawker.
Oui car en plus Hawker a toujours eu des relations compliquées avec les femmes. J’ai trouvé intéressant de le confronter avec une femme de la haute société française et de caractère qui a des objectifs clairs et prête à tout pour les atteindre. Je ne voulais pas un récit classique de chasse au trésor, on le verra dans le tome 2. L’aventure va s’élargir. Mais je douche vite les espoirs d’une relation entre Félicité et Hawker. Félicité est française, Hawker anglais, ennemis de toute façon et elle a d’autres objectifs.
Il y a des personnages secondaires importants aux côtés de Hawker.
J’étais assez limité car je ne pouvais reprendre pour des questions de droits que les personnages du tome 1. Il y a quelques clins d’œil aussi et des notes de renvoi.
Bruce J. Hawker est jeune pour être commandant.
Ce qui est irréaliste comme me l’a dit Delitte. Il y a la rencontre avec Nelson qui lui a été commandant très jeune. Elle est issue d’un script commencé par William Vance. Mais les notes n’étaient pas assez claires et c’était son histoire à Vance donc difficile de la continuer. Mais j’ai gardé Nelson.
Vous n’avez pas eu de cahier des charges ?
Non, une grande liberté mais il fallait garder l’esprit en amenant ma propre matière. Hawker a de la grandeur d’âme et je l’ai conservée. On pense qu’il est maudit, le Jonas, mais il sait aussi s’affirmer. Il s’impose comme un grand commandant malgré son âge.
C’est une série après ce diptyque qui aura une suite ?
Moi j’aimerais bien. J’ai déjà une idée mais tout va dépendre de l’accueil des lecteurs et du Lombard.
Les lecteurs de Hawker l’ont connu en 1976 et pendant ensuite 20 ans. Il va falloir se le réapproprier. Vous proposez un nouveau Hawker ?
Tout à fait, ce sont ses nouvelles aventures. On n’a pas voulu copier. C’est un Hawker respectueux de Vance. On espère conquérir un nouveau lectorat et celui des aventures maritimes qui est une niche dans la BD. Un public exigeant mais ce n’est pas un livre historique.
Les rebondissements s’accumulent dans cet album.
J’ai pris un malin plaisir à mettre de fausses pistes mais le tome 2 sera plus terrestre et il y aura des révélations stupéfiantes à travers les grand espaces vierges des États-Unis de l’époque.
On a fait le tour de ce nouveau Bruce J. Hawker. Vous avez repris le dessin avec Inexistences. Vous allez continuer ?
Depuis un an je suis à 100% sur le dessin avec un Thorgal saga et Valérie Mangin au scénario, titre la Déesse d’Ambre, pas de date de sortie. J’ai fait 41 planches sur 100.
Le dessin vous manquait ?
Oui, mais c’est aussi les circonstances qui m’ont obligé à reprendre les crayons au lieu du clavier. Je suis un peu en froid avec mes principaux éditeurs donc il fallait trouver une solution de replis. J’avais aussi arrêté la BD un an pour travailler sur une série TV. Donc je n’avais rien anticipé et cela a été une contrainte bienvenue. Thorgal c’est une madeleine de Proust, Hawker aussi, le tout au Lombard une maison qui a fait le choix de moins sortir d’albums mais de mieux les soutenir. On le voit avec Hawker. Pour l’instant j’ai signé des mini-séries chez Oxymore. Au scénario de deux diptyques en 2025, un récit que l’on peut rapprocher de l’historique avec les derniers Vikings et le second anticipation, science-fiction sur un thème que je n’avais pas abordé.
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