Paris-Damas, liaisons mortelles, en pleine actualité

Un album qui tombe en pleine actualité au Moyen-Orient. Paris-Damas, liaisons mortelles c’est de l’Histoire, à la fois de la grande et ramenée aussi à celle de deux pays que tout oppose. La France et la Syrie depuis le début des années vingt ont un destin qui comme le dit Jean-Claude Bartoll (Giscard) auteur de ce récit brillant, pointilleux, parfaitement documenté compare nos relations à des noces de sang. Nicolas Otéro est au dessin (l’excellent Joseph Kessel l’indomptable). Et pourtant nos présidents, de Mitterrand à Chirac, Sarkozy tenteront bien le diable en faisant bonne mine au clan el-Assad, père et fils. Celui qui va rompre c’est François Hollande et désormais on sait où on en est, ennemis clairement désignés. Les attentats à Paris en 1986, en 1983 à Beyrouth contre les paras français de « Drakkar », 2015 le 13 novembre avec 131 morts, qui est derrière ? Pour Bartoll, c’est la Syrie, mais il faut revenir sur les origines, sur déjà en 1916 les accords entre alliés pour se partager le Moyen-Orient.

Liaisons mortelles La France obtient finalement le protectorat sur la Syrie et le Liban état indépendant créé de toute pièce, ancienne province syrienne. En 1920 l’armée française s’installe à Damas et réprime les révoltes. Les Alaouites ont aidé la France pour mater la rébellion. Les Sunnites qui jusqu’en 1950 ne considèrent pas comme musulmans vont être les perdants. Les Alaouites prennent en main l’armée, l’enseignement. Les Assad sont alaouites. A la fin de la seconde guerre mondiale la France abandonne son mandat. La Syrie et le Liban sont indépendants. Hafez el-Assad a 16 ans et commence sa marche vers le pouvoir, à partir du parti Baas implanté en 1946b en Syrie et en Irak. El-Assad grimpe, devient pilote de chasse formé en URSS et à y être communiste. Chef d’état-major de l’armée, son ami proche pourtant sunnite Moustafa Tlass est le patron du redouté service de renseignement de l’aviation. Mais en 1967 la guerre des six jours va remodeler le pays. Israël occupe le Golan syrien et y reste. En 1970 Assad prend le pouvoir pour trente ans de régime autoritaire. Il a une obsession la grande Syrie et donc veut récupérer le Liban une province syrienne, moderniser son armée avec l’aide de l’URSS. A Tlass de le faire. Compliqué par contre le Liban devenu au Sud un réceptacle des Palestiniens expulsés de Jordanie. Israël réagit à leurs attaques comme aujourd’hui et envahit le Sud sans oublier en 1975 la guerre civile entre Phalanges Chrétiennes et Palestiniens. La Syrie va être le médiateur tout en occupant le nord du Liban. Et la France commence à comprendre qu’il y a danger avec la Syrie qui occupe après le retrait israélien la totalité du Liban jusqu’en 2005. Donc la France décide de protéger le Liban à tout prix. Il sera élevé.

Paris-Damas

Le tournant sera la mort de l’ambassadeur de France au Liban. La suite de cette histoire qui n’en finira pas de sitôt, Jean-Claude Bartoll en a fait un album que l’on lit avec facilité, scandé par les dates, les évènements. La diplomatie terroriste de la Syrie, l’OLP en arrière plan, l’attentat de la rue des Rosiers, Mitterrand qui permet l’exfiltration de Arafat, Assad ne le lui pardonne pas. Explications, les faits, on passe les années au scanner pour constater que la dynastie Assad est toujours là. Bachar contrôle. Le Hezbollah est au sud Liban et envoie ses roquettes, mais Israël a lancé une offensive incroyable ces derniers jours, bipeurs et talkie-walkie piégés des cadres du mouvement. Avant de passer la frontière ? Que fera la Syrie ? Rarement une BD n’a été autant à la pointe de l’actualité. On notera aussi le travail très cadré, visuel, du dessinateur Nicolas Otéro en parfaite cohésion avec le texte. Le duo Otéro-Bartoll ont signé un album indispensable pour aider à comprendre une partie de la crise au Moyen-Orient.

Paris-Damas, Liaisons mortelles, 50 ans de coups tordus entre la France et le clan Assad, Éditions Delcourt Encrages, 18,95 €

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