Sacrilège, qu’ont-ils osé faire à notre Marsupilami ? Frank Pé et Zidrou en ont signé La Bête, un Marsu qui a le regard d’un tueur psychopathe paumé dans une Belgique grise et triste à donner envie de se suicider à coups de frites grasses. Mais qu’est ce qui leur a pris à ces deux castards ? Tout serait parti d’un hommage à Franquin. On veut bien mais tout de même. Non, on galèje. En fait La Bête que l’on avait découverte, suivie en fascicules dans Spirou pieusement mis de côté (on a connu les mini-formats et on se refait pas), c’est un grand moment de BD. L’idée est certes tordue mais diaboliquement intéressante, bien tournée, judicieuse. Après tout le Marsupilami , pas obligatoirement sympa si on l’agace, a bien pu débarquer en Europe largement avant que Spirou et Fantasio ne le découvre en Palombie. Zidrou sait manier les ambiances les plus noires, y ajouter de beaux sentiments, faire des sauts périlleux et retomber sur ses pattes. La moindre des choses quand on traite du Marsupilami. Le dessin de Frank Pé a un petit côté Idées Noires et un relief, une force, une tendresse qui laisse émerveillé.
Les quais d’Anvers en 1955, un cargo qui a eu des problèmes et un importateur louche d’animaux sauvages qui râle un brin.Y’a du dégât dans la bestiole. Un survivant a échappé à un couple de guépards. Le capitaine Tillieux montre un animal bizarre à très longue queue style tuyau d’arrosage comme il dit. Et l’appendice, le bestiau il sait s’en servir pour s’échapper de sa prison maritime. A l’école, à Bruxelles, le brave instituteur Boniface (un petit air de Franquin, non ?) montre un Charlot à ses élèves. Ce qui déplait fortement au directeur. Au marché, la maman de François un des élèves vend des moules. C’est Mademoiselle Van Den Bosche. Sur la route des camionneurs croient apercevoir un gamin en imper jaune avec un lasso. François harcelé par des petits abrutis à cause de sa naissance, passe son temps à ramener à la maison des animaux de tout poil. Que des cas douteux et en mauvais état. Et pas loin dans la boue, l’évadé du cargo rode.
Une aventure très humaine que signe Zidrou, tendre et triste, émouvante et assez unique. Bon, il y a bien un ton un peu Cosette malgré le côté obscur de la force, un gentil instit, une jolie maman qui eu des soucis pileux à la Libération pour un faible face aux uniformes et a un rire d’enfer, un cheval alcoolique, de l’humour gentil, mais l’idée il fallait l’avoir et la mettre en case. Houba, houba hop et ce premier tome fait plus que marquer des points. Une œuvre d’exception et on attend avec impatience de voir comment Zidrou va raccrocher les wagons dans le tome suivant. Au total 300 pages.
La Bête, Tome 1, Dupuis, 24,95 €
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