C’est un témoin rare et important, sur un des évènements qui a marqué la fin du XXe siècle, sans pour autant non seulement ébranler le régime communiste chinois mais en plus, trente ans après, n’avoir laissé malheureusement que des souvenirs. Et un film mythique sur lequel, Place Tiananmen début juin 1989, un jeune Chinois empêche un char de passer en lui opposant son corps. Lun Zhuang était au cœur de ces journées qui ont marqué l’Histoire. Il les raconte aujourd’hui dans une autobiographie dessinée qui reprend, point par point, les espoirs d’une génération qui voulait, en fait, évolution et non pas révolution en gardant le Parti comme potentiel partenaire. Le résultat est celui de la Chine d’aujourd’hui, mélange complexe d’autorité communiste, de capitalisme envahisseur victorieux, d’élite richissime et de campagnes ou de villes misérables.
Lun Zhang raconte, ou son un jumeau de papier comme il définit son personnage dans sa préface. Mao est mort en 1976. On fait le ménage et la révolution culturelle dévastatrice, mortelle a vécu. La Chien prend des couleurs, se libéralise un peu mais corruption et injustice se montrent au grand jour. Deng Xiaoping veut préserver le pouvoir du parti. En 1985, les jeunes Chinois découvrent rock et littérature occidentale. En avril 1989 tout va basculer. Hu Yaobang meurt. Il était l’ennemi des conservateurs tout en étant aussi membre du bureau politique. Il avait protégé les intellectuels et sur la place Tiananmen les hommages se multiplient. En avril 89 sont déposés les sept revendications des étudiants dont la réhabilitation de Hu Yaobang. C’est le débuts des évènements de la place Tiananmen. 100 000 Chinois se rassemblent sur la place pour rendre hommage à Hu Yaobang. On leur refuse de se recueillir devant sa dépouille. Le mouvement prend de l’ampleur. Les policiers ne réagissent pas. Il y a un million de manifestants sur la place. La population aide et soutient les étudiants. Une partie minoritaire du gouvernement plaide la cause du mouvement. Mais il y a les durs du régime.
On sait comment, début juin, tout finit dans le sang, par les chars de l’armée qui écrasent les manifestants sous les yeux de nombreux journalistes occidentaux venus couvrir auparavant la visite de Gorbatchev à Pékin. Le Parti communiste chinois a gagné et peut mettre en place sa propre vison de son avenir doctrinal et économique. En occident il ne faut pas oublier qu’en novembre 89 le mur de Berlin s’effondre, qu’en décembre la Roumanie se libère de Ceausescu, le Chili de Pinochet, l’Afrique du Sud de l’apartheid. La Chine et Tiananmen passeront au second plan. Adrien Gombeaud a travaillé avec Lun Zhang sur le scénario. Améziane a dessiné cet album qui a de nombreux mérites, celui de parler trente ans après de Tiananmen, la clarté du récit, un cahier final postface très illustré et pertinent. On apprend, on découvre, les noms renaissent avec les grévistes de la faim qui vont ébranler l’opinion publique. Mais même plus d’un million, sans aide, les héros de Tiananmen n’était qu’une goutte d’eau absorbée par le sans pitié et tout puissant Empire du Milieu. Tout en ayant donné un bref espoir aux jeunes Chinois.
Tiananmen 1989, Nos espoirs brisés, Seuil Delcourt, 17,95 €