On l’attendait fin avril à plus d’un titre. Peau d’Homme a été signé au scénario par Hubert qui nous a quitté en février dernier. C’est un album, avec Zanzim (L’Île aux femmes) au dessin, qui s’annonçait comme un des grands moments graphiques, éditoriaux de ce début d’année mouvementée. C’est toujours le cas. Une œuvre chantante, déconcertante, séduisante à l’image de son héroïne, la belle Bianca ou Lorenzo selon les jours. Peau d’Homme est un conte picaresque charmeur, charmant, pas neutre du tout, décrypteur. Hubert, avec cette grande finesse qui le caractérisait, décline une partition de sentiments, d’envies, de sensualité qui interrogent sur sexualité, appartenance pas figée à un genre. Le tout pour être heureux malgré les apparences trompeuses dans un monde qui n’accepte pas ce qui le dérange. Bianca sera suffisamment subtile et intelligente pour ne pas se laisser manipuler, imposer un destin, trouver sa voie. Elle choisira comme elle aurait aussi pu bien le faire de nos jours tant les thèmes d’Hubert sont actuels. Sortie début juin de cet album merveilleux, dans tous les sens du terme.
Dans une Italie de la Renaissance où on ne plaisante pas avec le pêché, Bianca va découvrir celui qu’on l’oblige à épouser pour des questions bassement financières. Giovanni n’est pas mal mal elle ne l’aime pas. Plus proche de Tomaso qui la respecte et a un faible pour elle, Bianca va passer quelque jours chez sa marraine qui lui dévoile un secret. Les femmes ont dans la famille une peau d’homme dans laquelle elles peuvent, de génération en génération, se glisser. Bianca va pouvoir se balader dans le monde des hommes et découvrir qui est vraiment son fiancé. Surprise, étonnée mais charmée par cette enveloppe aux attributs sensibles et intéressants, Bianca s’exerce à être homme et part à la ville où elle suit Giovanni qu’elle entend se moquer d’elle de façon égrillarde. Furieuse, elle continue à remettre la peau d’homme et tombe sur son frère moinillon extrémiste et puritain. Giovanni rejoint celle ou en fait celui qui dit s’appeler Lorenzo. Bianca découvre que Giovanni préfère les garçons. A eux la belle vie, entre garçons au moins en apparence, sauf que Lorenzo et Giovanni commencent à éprouver une attirance certaine, réciproque et qui n’est pas qu’amicale.
Mais qui est troublée par Giovanni, Bianca ou Lorenzo ? On suit la rapide évolution de Bianca, fine mouche, son bonheur en forme de comedia del arte. A la fois Pierrot, Colombine et Arlequin, Bianca est comme le dit Zanzim dans la préface « tout un peau aime. L’amour est peau ». Hubert voulait faire une sorte d’autobiographie puis il a changé d’avis pour mettre en scène avec élégance une idée qui traînait dans un carnet, une peau d’homme mais pour quoi en faire. Le résultat est là, joyeuse farce telle qu’on les concevait au Moyen Age. Bianca court vers le bonheur, se moque des préjugés, sait aussi déjouer les coups et faire triompher sa cause malgré les cuistres. Zanzim a lui le dessin qu’il faut, simple mais qu’en apparence car vivant, endiablé et charmeur. Si il fallait faire un clin d’œil à Peau d’Homme, ce serait pour rappeler Les Douze joies du mariage illustrées par le grand dessinateur Marcel Jeanjean. Allez on pourrait même penser à du Molière revisité par Guitry.Un plaisir. Un cahier graphique clôture l’album.
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