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Works, femmes de mode selon Lorenzo Mattotti

Dans les années quatre-vingt Lorenzo Mattotti signe les Unes du magazine italien Vanity. La mode ne l’intéresse pas vraiment. Pourtant son sens inné de la couleur, son trait élégant, impose sa marque au point de devenir une référence en la matière, créer un style. Dans Works Mattotti a regroupé ses travaux pour Vanity. (Cet article a été écrit pour le magazine ZOO du mois de septembre 2014). Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Lorenzo Mattotti dans son atelier parisien et ses travaux pour Vanity. JLT ®

Sur la grande planche à dessin de son atelier parisien Lorenzo Mattotti a ouvert ses cartons. Il dévoile ses originaux pour l’occasion, histoire de revenir sur un monde qu’au départ il ne connaissait pas. « Pour moi la mode c’était ce que je voyais dans les journaux de ma mère », plaisante en souriant Mattotti. Pas vraiment enthousiaste l’auteur de Feux à l’époque. C’est le journal Vanity qui vient le chercher, lui et les auteurs du collectif Valvoline auquel il appartenait avec Liberatore. A eux de proposer un regard nouveau en matière de dessins de mode, d’illustrations.

« Dans ces années quatre-vingt Vanity Italie était dans le style d’Actuel en France. C’était un journal très à la mode plus qu’un journal de mode. Ils m’ont demandé des couvertures. Je n’étais pas vraiment intéressé, je venais de faire Feux. Cela m’a tenté finalement comme une nouvelle expérience ».

Vanity a des délais de bouclage, une conférence de rédaction, une actualité à couvrir. Mattotti découvre alors un monde très différent de celui de la BD. « Au début ils m’ont fourni deux polaroids de vêtements et de mannequins. Il fallait rendre ma couverture le lendemain. J’ai utilisé le graphisme de personnages de BD. Cela m’a beaucoup plu, je me suis pris au jeu. J’ai compris que j’avais l’occasion ainsi d’apprendre un travail très particulier et notre collaboration a duré six ans ».

Lorenzo Mattotti revient même avec une pointe de nostalgie dans la voix sur ces travaux qu’il étale : « En fait Vanity me poussait à faire des choses différentes de ce dont j’avais l’habitude. On discutait des choix et cela a changé ma relation avec la femme dans mon dessin. Autant j’étais très réaliste dans mes BD, autant avec ces illustrations j’ai appréhendé la femme de Vanity avec distance. Elles sont masquées, les corps déliés. Mais peu à peu le réalisme revient, s’impose à elles».

Sortir du grotesque

Toujours très pudique Lorenzo Mattotti, il s’emballe, jamais catégorique, revient sur ses mots, complète, enrichit, à l’image de son travail artistique. Spontanéité et modestie, douceur appliquée au travail des teintes. « Qu’est ce que l’élégance ? Il y a beaucoup d’argent dans le monde de la mode. Ce sont des gens très cultivés. Je suis toujours très timide. Il me fallait du recul, de la distance, être extérieur. Il fallait sortir du grotesque dans mes travaux. J’ai été très heureux de préparer ce Works Mattotti Mode. Il n’y aura pas de texte dans cet ouvrage. Le texte n’est qu’un complément souvent inutile. Les légendes seront regroupées à la fin de l’ouvrage ».

Sortir du grotesque selon Mattotti. JLT ®

Une attitude que Mattotti a appliquée dans ses albums où le texte est généré par ses images. Et la BD aujourd’hui ? « Elle s’enferme. C’est un moyen d’expression très contemporain. Elle peut se renouveler et a la grande chance de pouvoir parler de tout. Le texte a pris de plus en plus d’importance sur l’image qui devient descriptive. Il faut laisser le pouvoir à l’imaginaire ».

En même temps que Works, une nouvelle version de son Docteur Jekyll et Mister Hyde sortira en septembre chez Casterman. Mattotti s’en réjouit. « Une couverture et des dessins inédits dont ceux de l’édition italienne, on travaille sur un projet d’application Ipad pour l’album qui pourrait intégrer des travaux préparatoires, une interview, un texte original ». Mattotti est un homme en mouvement, un créateur infatigable et enthousiaste. « J’ai un projet de scénario de film tiré d’une œuvre de Buzatti, La Fameuse invasion de la Sicile par les ours. Enfin j’ai un autre projet très personnel BD mais on en reparlera ». Dernier sourire complice, Lorenzo Mattotti a le regard en forme de symphonie arc en ciel zébrée de fins éclairs noirs.

Works Mode, Par Lorenzo Mattotti, 304 pages couleurs, Casterman, 37 €

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