Si il avait fallu l’écrire l’histoire de Eugène Bullard, premier pilote noir américain au combat, serait passée pour une fresque hollywoodienne inventée de toutes pièces. Et pourtant tout est vrai dans ce que raconte dans Enfin je vole Ronald Wimberly au dessin et Brahm Revel au scénario. Bullard est né esclave, à pris la route pour trouver un pays non raciste, sera boxeur, acteur à Paris, s’engage en 1914 dans la Légion Étrangère car les USA n’entreront en guerre qu’en 1917. Décoré, blessé, il passe son brevet de pilote militaire, intègre des escadrilles françaises, ne volera pas dans la Layette US car il est noir. C’était la façon des USA d’exporter leur ségrégation. Il abat deux avions ennemis mais il lui faudra du temps avant d’être officiellement reconnu, sera aussi un résistant de la France Libre. Un homme de courage, d’honneur auquel cet album rend un hommage mille fois mérité et qui manquait dans le domaine aéronautique historique du 9e Art.
New-York, Rockeller Center, Casey prend l’ascenseur que manœuvre Gene, un afro-américain. Panne soudaine, les deux hommes sont bloqués. Casey est marié à une Française. Gene parle français. Il s’est battu en France pendant la grande guerre et montre sa croix de guerre à Casey. Il lui dit avoir été le premier « négro » pilote de combat. Une longue histoire à raconter mais les deux hommes ont du temps. Eugène est né à Colombus en Géorgie, état raciste. Son père est poursuivi par le Klan, leur maison attaquée. Il fuit, la maison est saccagée. La vie de la famille est difficile. Il se met à rêver de la France où noirs et blancs vivraient ensemble. Il a des talents comme cavalier, rejoint un camp d’Irlandais, des Gitans Stanley venus d’Angleterre. Gene décide de partir une première fois, une seconde. Il reste enfin avec les Stanley puis les quitte pour trouver un bateau qui irait en France. Malin, Gene sait se faire une place dans un équipage, arrive en Angleterre, se met à la boxe.
La suite est encore plus passionnante car Eugène Bullard est l’homme de tous les défis qu’il faut prendre le temps de découvrir jusqu’à son premier vol. Le parcours est incroyable. Rien ne l’obligeait de s’engager, de se battre héroïquement. Bien que grièvement blessé dans les tranchées il réussit à concrétiser son rêve, piloter, voler se battre en escadrille de chasse accompagné par son petit singe mascotte. Le dessin, le découpage, tout apporte à cette biographie réalisme, force et émotion. Un homme exceptionnel qui n’eut pas vraiment la reconnaissance de son pays mais de celui pour lequel il avait fait le choix de risquer sa vie par amour de la liberté. Pour de qui est de la ségrégation US au sein de ses unités, il est bon de rappeler que encore pendant la seconde guerre mondiale, il n’y avait pas de mixité raciale au sein des escadrilles d’où la fameuse Tuskegee composée uniquement de pilotes noirs.
Enfin je vole ! Eugène Bullard, pilote dans l’armée française, Marabulles, 30 €
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