Il a été l’un des plus novateurs écrivains japonais. Le Prix Nobel de Littérature lui a échappé de peu. Yukio Mishima est malheureusement surtout connu en Europe pour s’être suicidé par hara kiri en 1970 après une vaine tentative de coup d’état, prise d’otage mais en réalité la mise en scène volontaire de sa propre mort. Patrick Weber signe sa biographie qui est une source étonnante et brillante d’informations sur un grand talent de la littérature marqué à jamais par la défaite du Japon en 1945, l’évolution des mœurs et de la culture de son pays, la toute puissance des traditions avec le poids de l’empereur Hirohito, la nationalisme renaissant d’un pays désarmé. Il faut aller à la découverte de Mishima que Li-An fait revivre d’un dessin clair, épuré (Guerlain), un homme à masques complexe et tourmenté dont sa mort sera, selon lui, son chef d’œuvre.
1925, Kimitake vient au monde dans une famille qui ne s’aime pas beaucoup. Une mère douce et tendre, un père hautain et une grand-mère tyrannique qui va le prendre en main. Il ne peut manifester son affection pour sa mère. On lui interdit de jouer avec les garçons et doit rester avec les filles. Dès son enfance, il comprend qu’il faut savoir porter des masques selon les circonstances si on veut survivre. Dans les années 20, le Japon, avec désormais Hirohito comme empereur, développe son nationalisme en envahissant la Mandchourie. Kimitake rentre à l’école. Il écrit déjà des poèmes et sa sexualité se découvre. Il est fasciné par les soldats, la force que le Japon en 1934 développe contre la Chine. Il découvre le Saint Sébastien de Reni. Mishima va naître, il est publié et découvre Proust ou Cocteau.
Dire que la personnalité de Mishima est complexe est un doux euphémisme. Weber s’est inspiré de son livre Confessions d’un Masque et lui donne la parole à travers la voix off qui scande les pages. Mobilisé, il y aura l’après Hiroshima, la descente parmi les humains du divin Hirohito, des succès littéraires qui en font le grand nom du renouveau des lettres japonaises, une sensibilité à fleur de peau, Mishima a vécu le nouveau Japon. A-t-il su s’y adapter ? Pas certain et on peut le comprendre. Fier, combattif, le corps parfait qui ne peut accepter de faiblir, sa mort est inévitable. Sauf qu’il est Japonais. A rapprocher de la biographie en manga qui vient de sortir sur l’empereur Hirohito. L’un explique l’autre. Un roman graphique d’un grand intérêt qui apprend énormément sur un Japon qui, quoiqu’il en soit, change peu.
Mishima, Ma mort est un chef d’œuvre, Vents d’Ouest, 22 €
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