C’est à la fois une leçon d’Histoire, un parcours personnel et familial, un hommage et un témoignage. Maria et Salazar est signé par Robin Walter (Prolongations). Qui se souvient aujourd’hui de Salazar, discret mais despote assumé d’un Portugal sous contrôle de 1932 à sa mort en 1970 ? On se souvient par contre de l’immigration portugaise pas si ancienne, et c’est Maria la femme de ménage de la famille Walter qui va être le fil rouge, le témoin catalyseur de ce parallèle. Maria la portugaise venue en France suivre son mari dans les années 70, Salazar le dictateur, une remise à l’heure pertinente pour comprendre que l’histoire, au moins celle de l’immigration se répète en France, terre d’accueil depuis des lustres, ce qu’on a tendance à oublier.
Quand la famille Walter décide de vendre la maison familiale, Robin, auteur de BD sait que Maria qui travaille chez eux depuis trente ans devra elle aussi couper le cordon avec eux. C’est la reine des petits plats Maria, des frites, une seconde maman qui déjà était femme de ménage chez les grands-parents. Mais qui est Maria ? Comment est-elle arrivée en France ? Qui est ce Salazar dont la police semait la terreur dans un pays sous dictature à quelques heures de voiture de la France mais voisin d’une Espagne franquiste tout autant sous contrôle ? Robin Walter enquête, fait parler Maria, rencontre des témoins, se plonge dans un retour historique qui met en lumière les pourquoi de l’immigration portugaise, 900 000 personnes. La vie était difficile au Portugal et en France on manquait de main d’œuvre. Il y avait des filières, des risques aussi d’être pris par la police espagnole. Maria et Manuel son mari vont réussir leur intégration. Elle apprend le français à la télé. Et puis il y aura la révolution des œillets en 1974, l’armée portugaise en a assez de se battre pour des combats coloniaux inutiles.
Robin Walter raconte, constate, témoigne finalement aussi sur ce Portugal où aujourd’hui ce sont les retraités français qui vont s’y installer, pour mieux vivre. Étonnant non ? Tout phénomène migratoire est basé sur une réalité, celle de la misère que l’on fuit et du bonheur que l’on espère trouver loin d’un régime autoritaire. Une petite nuance malgré tout dans le cas de l’immigration portugaise, la France vivait encore ses trente glorieuses. On embauchait. Et quand le Portugal est redevenu démocratique l’immigration s’est tarie. Ce qui n’empêchait pas moqueries, quartiers défavorisés. Robin Walter a fait un ouvrage important bien construit et au final porteur d’optimisme.
Maria et Salazar, Des Ronds dans l’O, 17 €
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