On avait attendu Océan noir avec une légitime impatience. On avait dit que Corto Maltese dessiné par Bastien Vivès, scénarisé par Martin Quenehen relevait à la fois du défi, de l’envie, du talent, d’un choix pas si neutre mais surtout de la prise de risque à assumer en cas de rupture de la corde de rappel. Mais pari gagné, tout avait fonctionné, séduit, étonné dérangé peut-être certains dont il n’y a rien à dire de plus. Avec La Reine de Babylone Vivès ramène Corto à Venise au début du XXIe siècle et on est une fois de plus complètement pris par cette mise en perspective d’un héros mythique qui se retrouve face à l’actualité à la veille de la guerre du Golfe version 2. Des Irakiens, des Serbes, des Bosniaques, des trafics dans les Balkans et un Corto séducteur. Mais embringué dans une affaire aux pistes multiples sous le crayon magique de Vivès qui a totalement investi le personnage, l’a même affiné depuis le précédent album. On retrouve toujours Bastien Vivès avec un vif plaisir.
Venise octobre 2002, Corto embrasse Sémira. Direction un yacht où se mélangent truands et nationalistes. Sémira prend la main. Coreto se rapproche de Célo qui lui montre les généraux serbes et leurs clients irakiens. Enjeu l’achat des armes de l’ex-Yougoslavie. Espionné par des Bosniaques. Coreto déconseille l’amour à Corto. Sémira a tué sa cible et Corto l’aide à évacuer le corps. Ils savent quand aura lieu la transaction. Corto rejoint Venise à la nage et Place Saint-Marc rencontre une ex, Freya, enceinte. Un type, Giovanni, le récupère en Riva sur les canaux. Il lui dit que Sémira l’attend sur la côté croate et il va la rejoindre en bateau. Sémira l’assure que les Irakiens et les Serbes ont maintenu leur deal, un navire plein d’armes et d’argent. Il retrouve Célo et se souvient de Berlin en 2001 où il a rencontré Samira.
Parlerait-on d’une histoire d’amour ? Sémira porte ne nom de la fondatrice de Babylone. Commando et suite très mouvementés dont on ne dira pas plus. Corto le pirate a de la ressource même quand tout dérape. Une très forte puissance narratrice dans le dessin de Vivès et un scénario à la fois surprenant, très relevé, cadré que Pratt aurait sûrement aimé. On en retrouve l’esprit, la philosophie, rebondissements en prime, histoire dans l’histoire. Il aime bien régler ses comptes Corto et après tout il est romantique. Avoir relooké Corto impliquait de le transposer aussi dans des ambiances qui puissent lui convenir. La Reine de Babylone en est l’exemple finalement presque en phase avec le Moyen-Orient actuel. Un tome 2 qui confirme, affirme qu’il y avait bien une deuxième voie pour Corto Maltese.
Corto Maltese, La Reine de Babylone, Casterman, 22 €
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