Un coup au cœur, une vraie gifle qui prend aux tripes, Les Mains invisibles de Ville Tietäväinen est tout cela. Un Marocain n’a plus que les chemins tortueux et sans pitié de l’immigration vers l’Europe comme solution. Un voyage désespéré et sans retour, l’auteur finlandais a déjà publié son album dans son pays. A la fois reportage et roman où tout est vrai, plausible, violent, on le sent, Les Mains invisibles doit être lu. Rachid est la victime innocente de mondes qui se heurtent et s’affrontent, sans solution immédiate. Jusqu’à quand ?
Il coupe des tissus, assemble des djellabas, Rachid. Il survit comme il peut chez ses parents au Maroc, sous des tôles avec femme et enfant. Il sait que la solution est peut-être ailleurs, en Espagne, pour gagner de l’argent et en envoyer chez lui. Classique sauf que la baguette magique, cela n’existe pas. Viré par son patron, Rachid n’a plus le choix. Il paye un passeur qui le met à la mer au large de l’Espagne avec ses copains. Quand il échoue sur une plage, c’est pour s’apercevoir que son compagnon d’infortune est mort et se faire pincer par la police. Commence alors le bagne, dans des serres, surveillé par des voyous qui viennent de l’Est. Battu, exploité, Rachid se lie avec ses compagnons d’infortune dont certains aimeraient se révolter. Erreur mortelle. Clandestin, trahi, Rachid échoue à Barcelone, clown triste et au bout du rouleau, petit frère des pauvres qui n’a plus d’issue pour s’en sortir même si il continue à rêver à sa petite fille et à sa femme.
On ressent une grande tristesse, une émotion accablante car on se sent responsable. Au moins de savoir que ce raconte Ville Tietäväinen n’est pas qu’un roman. Et qu’on ferme les yeux, de Sangatte à Lampedusa. Son dessin ajoute à la cruauté des faits, sombre, aux visages marqués et hachés, expressifs, en déroute. L’auteur ne fait aucune concession, pas d’excuses. Impossible de sortir indifférent de cette lecture qui n’est pas rappeler l’excellent ouvrage d’Aurel, Clandestino.
Les Mains invisibles, Casterman, 27 €
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