Gérard de Nerval, un illustre inconnu ? Pas sûr, car quand bien même rares sont ceux qui pourraient citer un de ses écrits, beaucoup plus nombreux sont ceux qui attachent à son nom l’image du romantisme flamboyant du milieu du XIXe siècle. Pas étonnant alors que David Vandermeulen et Daniel Casanave, duo complice de la série Romantica, se soient attelés à sa biographie. Nerval l’inconsolé (Casterman) est un hommage qui rend justice à un homme attachant, tendre, au destin littéraire à la fois brillant et chaotique. Par Jean-Laurent TRUC. Cet article a aussi paru dans le numéro de septembre de ZOO.
Pas évident pourtant de raconter la vie de Gérard de Nerval. Pour David Vandermeulen, c’était d’autant plus passionnant « car sa vie, bien plus qu’une autre, fut un véritable drame romantique ». Un cas Nerval, de son vrai nom Gérard Labrunie. Il signe à 19 ans une traduction du Faust de Goethe qui fait autorité. Son meilleur ami est Théophile Gauthier et Hugo le reçoit. Trop précoce ? « Absolument. Avec Faust, qu’il traduisit alors qu’il parlait à peine l’allemand, Nerval a connu une gloire européenne d’une soudaineté inouïe. Cela fait penser aux destins des jeunes stars d’aujourd’hui et aux drames qui en découlent parfois. Nerval est en ce sens particulièrement moderne. », insiste Vandermeulen.
Daniel Casanave qui a dessiné Nerval se souvient aussi qu’ils avaient cherché ensemble « un auteur pour illustrer le romantisme à la française. On avait même pensé à Chateaubriand, mais trop poids-lourd. Nerval s’est imposé ». Pas simple non plus pour Casanave de donner un visage sur papier à Nerval. « On a fouillé et on a vu bien sûr les photographies très dures prises par Nadar à la fin de sa vie. J’ai essayé d’en faire un personnage chouette, attachant, sans trop en rajouter sur son côté abimé par l’existence. David m’écrit une sorte de nouvelle dialoguée et ensuite à moi de jouer, de découper, donner du rythme ». On découvre un Nerval fragile et émouvant, très réussi. On le sent aussi mystique, englué dans ses visions et ses fantasmes en particulier amoureux. « Nerval est absolument mystique, c’est vrai. Et comme beaucoup d’écrivains de sa génération (Hugo ou Dumas) il s’intéressera à l’ésotérisme, au paranormal, aux sciences occultes ». Vandermeulen est rejoint par Casanave sur ce point : « Ils sont tous mystiques à l’époque. Il y a même un retour en force d’une mode pour le Moyen-Age. »
Côté femmes, il se plante à tous les coups. « Il aimait peut-être trop l’amour » suggère Casanave. Nerval est fragile. La folie le guette. Il est alcoolique. « Il buvait beaucoup, en effet. Son état psychique en a bien entendu souffert. Il fut interné plusieurs fois. On l’a diagnostiqué fou. Les rapports médicaux parlent de fièvres aliénatrices incurables. Ce qui est fascinant chez Nerval, c’est qu’il a retranscrit ses délires dans ses textes. La scène du gibet de Montfaucon, comme celle des lutins qui lui cognent le cerveau dans l’album, c’est dans ses propres textes que nous avons été les puiser. En fait, pour ce livre », tient à préciser Vandermeulen, « nous n’avons rien inventé, tout provient de son œuvre ».
Il est pourtant terriblement sympathique, l’album en est d’autant plus émouvant. Un petit lutin, un feu-follet tristounet. « Il n’a pas été récompensé de son vivant. La puissance de ses sentiments est passée inaperçue » pour Daniel Casanave. « Nous, on se l’ait approprié. Il est superbement humain et avec David on l’a vraiment aimé ». Ce que confirme Vandermeulen : « Nous avons développé une tendresse absolue pour Nerval. Être aussi talentueux et avoir autant de faiblesses, comment ne pas éprouver pour lui un amour sincère ».
Que reste-t-il aujourd’hui de lui, hormis son nom ? Il faut lire l’excellente postface de l’album. « En réalité, son œuvre telle que nous la connaissons de nos jours est une sorte de construction. Car de son vivant, Nerval n’aura publié qu’un seul ouvrage, son Voyage en Orient. Tout le reste, il l’a écrit pour des journaux ou des revues. La renommée de Nerval est assez récente finalement. Il n’a été très longtemps connu que des spécialistes. Il était par exemple impensable d’imaginer de petits écoliers apprendre par cœur El Desdichado, et encore moins lire Les Filles du feu avant la Seconde Guerre mondiale ».
Après avoir redonné vie à Gérard de Nerval et, pourquoi pas, inciter à une redécouverte de ses écrits, Vandermeulen et Casanave vont se remettre au travail avec une biographie d’Edgar Allan Poe. Casanave travaille aussi sur une vie d’Alfred Jarry avec Rodolphe au scénario pour janvier prochain. On n’oublie pas La Petite Bédéthèque des savoirs dirigée par Vandermeulen au Lombard : « Les prochains albums à venir sortiront en octobre. Il s’agira des Abeilles, avec au dessin Jean Solé et aux textes Yves Le Conte, directeur de la section abeilles de L’INRA. Le second titre parlera des Zombies, il a été dessiné par Richard Guérineau et scénarisé par l’anthropologue et médecin légiste Philippe Charlier. Il y a actuellement une bonne douzaine de titres qui sont en préparation, avec des sujets toujours aussi hétéroclites : Le Libéralisme, Les Roms, L’Adolescence, La Bible, Les Théories du Complot, Le Grand Banditisme. Sortira en octobre également le dernier volet de ma trilogie La Passion des Anabaptistes avec Ambre au dessin, chez 6 pieds sous terre. Une intégrale des trois volumes sortira simultanément ».
Nerval l’inconsolé, 156 pages couleur, Casterman, 22,50 €
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