On connait Peter van Dongen pour la qualité de sa reprise du dessin de Blake et Mortimer (La Vallée des immortels). Cette fois, toujours de son trait ligne claire, il anime et adapte le roman d’Adriaan van Dis, Familieziek, paru en français chez Gallimard. On y découvre comment la Hollande a plus ou moins bien vécu, ou fait vivre à ses ressortissants, la décolonisation de l’Indonésie devenue une république en 1945. Une page tout à fait méconnue du public français. La France était déjà empêtrée avec le début de la guerre d’Indochine dans le même secteur. Van Dongen montre l’impact moral et psychologique de l’occupation japonaise, de la violence des camps dans lesquels on été enfermés civils et militaires en Indonésie mais aussi la difficile adaptation d’une famille métisse en Hollande, des rapatriés qui dérangeaient beaucoup en ces années de sortie de guerre et de restrictions.
Elle a trois filles, métisses, et n’a qu’une envie arrivée à un âge certain, repartir en voyage. Elle a aussi un fils né de son union avec Monsieur Java quand ils sont revenus en Hollande en 1945. Personne n’attendait ces réfugiés d’une Indonésie hollandaise devenue indépendante. Le petit frère, ou gamin comme on l’appelle, vit dans son propre rêve fait de combats aériens, de pilotes de la RAF, hante un blockhaus où il s’est créé son monde. Java, le père, déprime, se bourre de tranquillisants. On lui a raconté le passé de sa famille à Java, les plantations, les haras, mais aussi le camp japonais, la famine, les mauvais traitements. Ses sœurs ont eu un papa à la peau sombre et on soigné leur mère pendant leur détention. Ce père a disparu pendant les combats. Monsieur Java, un passionné de danse, va le remplacer. Le gamin est lui aussi suivi par un psychiatre. La famille a du mal à s’adapter dans un pays qui ne les attendait pas.
Peter van Donger a une mère indonésienne et un père hollandais, ce qui propose au moins une piste pour avoir souhaité adapter ce roman complexe mais qui envoute par son ton, sa rupture brillante de la narration classique, sa part pertinente sur la douleur psychologique de ces rapatriés. La vie au quotidien dans une famille marquée à jamais par un exode qui ressemble beaucoup à celui des pieds-noirs d’Algérie, 300 000 Hollandais vont rentrer sans aide ou accompagnement en Hollande qui sort affaiblie de la guerre. Un format de case et un découpage qui éclaire l’action, un retour sur ces années 50 de guerre froide et le profit d’un enfant qui ne sait plus où est sa place dans une famille qui le déroute. On s’attache à ces personnages très humains face aussi à racisme ordinaire et traités comme des profiteurs, obsédés par ce qu’ils ressentent comme une trahison, la perte de leur pays d’origine et leurs fantômes ramenés avec eux. Un ouvrage sensible et bourré d’émotion, parfait sur le plan graphique et narratif.
Fichue famille, Aire Libre, Dupuis, 24 €
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