Si on demande à un ex-jeune lecteur de Spirou quels souvenirs il garde de sa rencontre hebdomadaire avec les héros du journal, on peut jouer gagnant que Hubinon avec Buck Danny arrivera en tête. A égalité avec Spirou sûrement, encore que les motivations du choix ne soient pas les mêmes. Avec Victor Hubinon, comme on le voit dans le superbe recueil de la collection Une vie en dessins qui lui est consacré, c’est le réalisme pur et dur qui s’invite, progresse, s’affine dans les pages dès l’après guerre en 1946 mais on a eu, et on a encore tendance, à ne raccrocher le nom de ce dessinateur prestigieux qu’à Buck Danny, un peu moins à Barbe-Rouge dans Pilote en oubliant, comme le montre ce pavé sublime, unique de 320 pages toute la palette de son talent, flanqué bien sur de ses inséparables amis Charlier et Goscinny.
Le dessin, l’original est roi dans ces pages. Des croquis inédits, des photos de jeunesse, des planches zoomées, on se balade sur des textes de Daniel Couvreur avec Hubinon de Tarawa Atoll sanglant (les unes des reprises sont dans le bouquin) à ses travaux dans Le Moustique en 1946, à des histoires courtes comme L’Agonie du Bismarck. Mais de suite le trio se forme, Hubinon, Charlier et Georges Troisfontaines. Rik Junior fait ses débuts, complètement oublié si ce n’est méconnu alors que Hubinon démarre Buck Danny, travaille sur Blondin et Cirage. Avec Charlier sous le pseudo de Charvik ils signent une autre histoire d’avion pour Bimbo, Joë la Tornade.
La vie de Surcouf ensuite parait et annonce le futur Barbe-Rouge. Hubinon fait ses gammes dans la marine à voile. Tiger Joe (sans Tornade) part en Afrique et Mermoz passe les Andes, une bio qui marque tous les fans des légendes de l’air. Mais Buck Danny ne le lâche pas. Et si on en avait qu’un souvenir à citer alors ce serait Danny en train d’escalader le volcan de Un Prototype a disparu et le Vertol au centre de la piste dans le cratère, avec ce masque qu’il arrache à son adversaire.
Toutes les unes originales sont reproduites avec des planches dont le dessin n’a pas pris une ride. Le travail de Victor Hubinon fait dans le détail, dans les ombres et les lumières. Hubinon est passé à la loupe, sa progression, ses choix graphiques. Certes, une fois encore Danny a la part belle, en gros plans si besoin. Hubinon est un pointilleux pour la doc, on le voit, on s’en souvient mais sans emphase car Jean-Michel Charlier et lui forment un duo qui se complète, s’entend à merveille. On découvre aussi Hubinon le peintre. Tout dans le dessin, un esthétisme incroyable, Hubinon était un précurseur génial qui avec ses BD a construit son grand œuvre avec son propre style et son talent. Un album à acquérir absolument trans-générationnel comme Buck Danny.
Une vie en dessins, Victor Hubinon, Dupuis Champaka, 55 €
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