Jordi Lafebre souvent rencontré pour Les Beaux étés ou La Mondaine a un grand talent, de dessinateur et de conteur. Il le prouve une fois de plus avec un retour brillant, un polar qui a Barcelone pour cadre, ville à la fois ensoleillée, bouillonnante et mystérieuse. Je suis leur silence a une héroïne médecin psychiatre, Eva, mais qui a elle même quelques problèmes psychologiques à régler. Sauf qu’elle est normale, au moins a ses yeux et à ceux des spectres familiaux qui lui parlent. Elle va se retrouver embarquée dans une affaire sordide et risque d’en faire les frais malgré ses beaux yeux pétillants. Un régal.
Le ciel bleu de Barcelone, la cathédrale de Gaudi, Eva joue les équilibristes sous les yeux de son ami thérapeute comme elle, Llull. Elle s’inquiète de savoir qui pourrait tuer Zeus. Retour au divan, Eva a besoin d’une expertise favorable pour retrouver son droit de soigner. Un peu excentrique, elle a toujours auprès d’elle les esprits de trois femmes de sa famille qui interviennent dans ses pensées. Pas d’hallucinations, Eva raconte sa semaine à Llull. Sa copine Pénélope lui a demandé d’être avec elle à la lecture du testament de sa grand-mère. Eva se renseigne sur les droits de succession. Au restaurant où travaille sa copine, elle la prévient qu’elle se jette dans la gueule du loup. Eva sait d’instinct percer les gens à jour ce qu’elle faisait jeune avec sa mère. Un détail qui interpelle Llull. Mais Eva a entamé avec lui une partie de ping-pong. Elle continue à lui raconter ce qui s’est passé, son arrivée dans la propriété des Monturos et l’accueil de Pénélope, la rencontre d’un curieux jardinier qui s’occupe des vignes. Mise en garde des ses femmes fantômes. Eva apprend que le type l’a berné. C’est lui le patron du vignoble, Francesc Monturos, arrogant et puant. Mais il va bientôt y avoir du cadavre au dessert.
L’écriture, le déroulé scénaristique est très maîtrisé, léger et vif. Famille, polar, intimité, c’est vrai aussi que Eva qui ne sourit pas ou peu a un charme intelligent, léger et que la qualité du coup de crayon de Lafebre fait toute la différence. Les personnages prennent vie, apparaissent, s’imposent, l’enquête se met en place dans un cadre un peu à la Agatha Christie. L’humour de Jordi Lafebre vient apporter des touches vivantes qui permettent de décompresser avant de replonger en pleine action. Les décors, les ambiances, les inquiétudes d’Eva attachante et sensible, tout dans cet album est bien construit. Et c’est un vrai polar, une balade dans un univers parfois baroque. On se dit qu’Eva mériterait de devenir une héroïne de série. Un des must récents aux teintes nuancées psychologiques qui fonctionnent à merveille.
Je suis leur silence, Dargaud, 19,99 €
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