Nicolas Juncker s’est fait le chantre du 13 mai 1958, sorte de coup d’État militaire téléguidé à Alger pour que Charles de Gaulle revienne aux commandes sans rien demander. Il va falloir l’en prier le général de juin 40 alors qu’il ne demande que ça. Un coup de maître dans un jeu d’échec où Juncker sur le dessin de Boucq dit tout, a potassé son sujet, montre les pions et qui tire les ficelles de l’avenir d’une France en pleine guerre d’Algérie, les Trente Glorieuses. Dont nous sommes toujours les héritiers. Nicolas Juncker comme François Boucq raconte son 13 mai et aborde ses projets. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC
Qui a eu l’idée de ce général, des généraux, Nicolas Juncker ?
C’est moi. Le sujet me semblait très fort. Le 13 mai 1958, c’est le retour de De Gaulle, le changement de République avec la cinquième République. On est en pleine guerre et c’est la plus grande crise qu’a connue la France depuis 1945. On sort de la bataille d’Alger en 1957. En lisant sur l’évènement je trouvais qu’il y avait aussi une donnée comique qui a échappé à tout le monde. Ce sont des Pieds-Nickelés que ce soit les militaires, les politiques, de vraies ribambelles. Ils sont dépassés et font ce qu’ils peuvent. Mais il y a une cascade de malentendus, de quiproquos, de coup d’épées dans l’eau.
Des évènements non. Des dialogues oui. Je n’ai pas inventé que Pflimlin veuille échanger un général contre un autre. Que Chevigné fasse arrêter les aides de camp du général Elie avec qui il travaille. Massu qui se pavane, qui passe par des souterrains rejoindre Salan qui s’en fout. Salan ce qu’il voulait c’est le décorum. La prise de l Corse, j’ai hésité mais c’est vrai. Ils atterrissent et c’est le bazar.
C’est la base de notre époque ce 13 mai 58.
De Gaulle arrive au pouvoir et il est très fort, le pépère. Il ne dit rien. Ses lieutenants, Debré, Foccart, ils n’ont pas de consignes. Faites ce que bon vous semble. Il attend. De Gaulle veut être appelé au pouvoir par la nation, pas par une assemblée qu’il ne reconnait pas. Ni par des militaires comme un dictateur sud-américain. Ni par les Pieds-Noirs. La nation sans le reste, difficile. Il veut les pleins pouvoirs et la dissolution de l’Assemblée. Il aura tout. La constitution est considérée comme une dictature déguisée. Guy Mollet pense qu’il faut sauver les meubles avec De Gaulle sinon ce sera l’armée. Mendès et Mitterrand veulent résister.
Est-ce qu’on peut penser voir les paras sauter sur Paris ?
Je ne crois pas car techniquement pas possible. Par contre l’armée en France aurait pu agir ou d’Allemagne. Il y avait la peur et le coup de la Corse conquise c’était bien joué par Salan.
De l’humour et une description très précise. Un gros travail de doc ? Comment Boucq est arrivé dans ce 13 mai ?
Oui, pas mal de doc. Je l’ai fournie. François a dessiné très vite, une page par jour. C’est le Lombard qui a été le moteur. Au départ c’était Guérineau. Puis il avait d’autres projets. Boucq a lu le scénario. Quand je l’ai appris je n’y ai pas cru. Il aimé. Et j’ai eu 20 pages sur un scénario très détaillé comme une nouvelle. Il a tout respecté. J’étais très intimidé. Pour la doc, je m’en suis chargé. Je ne crois pas qu’il y ait des erreurs. J’ai fait des fiches des personnages. Il faut penser que la plupart sont des héros de la Résistance, Compagnons de la Libération, avec De Lattre, Leclerc, en Indochine.
Ils ont traversé avec courage cette époque et ils ont quand même à Alger un petit côté guignolo.
Oui et pour la doc, Boucq m’a dit « moi il me faut des gueules à dessiner. Il me faut de matière, lequel marche voûté, le bide en avant, lequel a la clope au bec, un costard fripé ». Il voulait les incarner. J’ai retrouvé des vidéos et des photos aussi. Parfois on a un peu exagéré. Pour le plaisir.
En plus du 13 mai 1958, quoi d’autre au programme ?
J’ai une série au Lombard au scénario, Révolution et Empire. Les mémoires du dragon Dragon avec Simon Spruyt qui a fait les Tambours de la Moskova. Un héros lâche, plein de défaut qui gagne toutes les batailles. Au dessin un projet dans un an et demi mais sur la guerre d’Algérie, une BD contemporaine dans un petit village de Provence où le maire et d’autres veulent construire un mémorial aux victimes du conflit. Ce qui ne sera pas simple. Un peu aussi une comédie, noire mais drôle.
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