Le duo Brugeas et Toulhoat partent à l’abordage. Avec la République du Crâne il trace la saga d’une poignée atypique de ces frères de la côte, pirates ou autres oubliés des mers dont les idéaux de justice et de liberté allaient leur donner une volonté et un courage d’indépendance qui finira par causer leur perte car inacceptable à plus d’un titre pour les monarchies. Résumer la piraterie à des pilleurs d’océan, meurtriers sans vergogne est un peu simple comme le rappelle les auteurs dans leur préface. Une utopie peut-être cette République du Crâne (il y en a eu des exemples avec à Nassau la République des corsaires) de femmes et d’hommes qui ont préféré mourir libre qu’au bout d’une corde. A ne pas confondre avec les corsaires mandatés par les gouvernements et parfois abandonnés à leur sort. On va donc avoir Sylla qui a un un cœur un peu trop d’artichaut, une reine Maryam sauvée des esclavagistes et Olivier de Vannes, troisième d’un trio avec lequel les Anglais ont un compte à régler. Ronan Toulhoat et Vincent Brugeas ont pris la mer avec un vrai bonheur pour leurs lecteurs après Bloch 109, Ira Dei ou le Roy des Ribauds.
Juillet 1718 sur le Neptune, le navire anglais est aux mains des pirates de Sylla qui se bat et vainc le capitaine. L’équipage se rallie aux pirates. Olivier de Vannes en prend le commandement et doit rallier Providence mais il a une réputation de porte-malheur. Olivier tient un journal pour celui qui s’en emparera un jour. Mais sur leur route ils abordent un navire qui semble abandonné à la dérive. En réalité ces sont les esclaves capturés par les négriers qui s’en est emparé. A leur tête une femme, leur reine Maryam devant laquelle pour éviter le combat Olivier s’agenouille. Seule solution les ramener avec le bateau de prise à Providence et leur apprendre les bases du métier de marin. Mais à Nassau les Anglais ont pris la ville et le port. Direction l’Antre où Sylla a dû se réfugier et il faut décider de l’avenir du nouvel équipage et de sa reine.
On se doute bien que cela ne va pas être simple pour une cohabitation à la fois pacifique et guerrière sur les mers. Les pirates ont un code qu’il va falloir aménager, avec ses traditions, ses usages. Quels liens vont se nouer entre les protagonistes unis par un destin solidaire ? Vincent Brugeas a parfaitement fait ressortir la part humaine voire philosophique, politique de cette belle aventure que Ronan Toulhoat a cadré d’un trait qui s’est encore plus affiné, individualisé. Les noirs, les ombres, le découpage a évolué en encore plus net et efficace, suggestif. Une certaine façon de rendre justice à des précurseurs des futures révolutions américaine ou française clôturée par un texte de Fadi El Hage illustré par l’excellent Howard Pyle sur le sujet.
La République du Crâne, Dargaud, 25 €
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