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Picasso s’en va-t-en guerre, humour iconoclaste émouvant

Il a des remords Picasso, ceux de ne pas avoir été un héros de la République espagnole en 1936. Certes, il a peint Guernica mais bon, il aurait préféré faite le coup de feu au front. Et si il devenait un héros de BD en cette année 1953 ? D’autant qu’il aime le travail de Torres, un auteur très ligne claire auquel il va confier son projet. Voila le postulat étonnant mais séduisant de Picasso s’en va-t-en guerre signé par Daniel Torres, sorte de fausse biographie pied de nez amusant et parfois émouvant à Pablo Picasso qui disait « tout ce qui peut-être imaginé est réel ». Direction la guerre d’Espagne où le maître va faite feu de ses dessins.

Il est parti de Bordeaux pour Vallauris, convoqué par un certain Ruiz qui veut qu’il lui fasse une BD. On est en 1953. Torres qui signe Marcel, saute sur sa moto et traverse la France. Réfugié avec des parents républicains, il ne sait pas encore que son commanditaire est Pablo Picasso. Premier contact étonné mais respectueux, on ne rentre pas dans l’inimité de Pablo comme ça. Et pourquoi l’artiste richissime a-t-il besoin d’être le héros d’une BD ? Il veut avoir 25 ans en 38 et aller dégommer le Caudillo. En 14 il a raté la guerre. Idem en 36 ou en 40 où il va rester en France. A la Libération, il est en photos avec des GI’s (et la reporter photographe US Lee Miller, ex-muse de Man Ray que Torres montre à ses côtés dans l’album sans la nommer). Un frustré Picasso, l’ex-non-combattant. Avec Torres il veut s’inventer un destin de combattant, pas de héros. Il est obsédé par la mort. Marcel accepte mais il va falloir écrire un synopsis avant le scénario, ce que Picasso ne comprend pas mais finit par accepter. Premier essai non concluant et colère de Pablo. Retour aux fondamentaux et le personnage se dessine.

Il y a en fait deux épisodes dans ce roman. Le contact avec Picasso, la mise en place et la BD, l’album que Torres a conçu. Une très bonne astuce éditoriale qui amène en toute logique à une œuvre totale, pleine d’humour et aussi de réalisme sur un dessin ligne claire qui colle parfaitement à l’époque tout en étant le style personnel de Daniel Torres. Les planches de BD sont sépias. Pablito à la mèche noire charme, invente, crée affiches, dessins. Le tout est bourré d’anecdotes dont les puristes jugeront de l’origine mais cela n’est pas vraiment important. Un petit côté iconoclaste sympathique, pas agressif, une belle richesse de traits, de découpage, de reconstitution élaborée des théâtres d’opération. Il va l’avoir sa guerre Pablito et passer ensuite les Pyrénées avec la Retirada. Atypique cet aventure où la réalité pourrait rejoindre la fiction et très bien tournée.

Picasso s’en va-t-en guerre, Delcourt, 21,95 €

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