Alors que ce 3 mars 2023 c’est le 40ème anniversaire de la disparition d’Hergé, on enfonce une porte ouverte que qualifier Hergé d’auteur le plus décrypté, disséqué, dans un nombre incalculable d’ouvrages. Un flot incessant (plus de 600 à ce jour) que rien n’arrête et dont on reconnait souvent, pas toujours, le travail pointilleux de leur auteurs, des chercheurs qui soulèvent collaboration, colonialisme et autres travers de l’œuvre du père de Tintin. Une vie qui a été malheureusement à l’image de son siècle. Il fallait aussi qu’on en arrive à un autodafé canadien (Astérix aussi sous prétexte de défendre les minorités) pour finalement atteindre le summum de la bêtise, brûler les albums de Tintin, mille sabords fallait oser. En arriver à une telle violence est là-aussi sur bien des sujets le mal de notre époque, de minorités agissantes extrêmes. Et le génie d’Hergé dans tout cela, le plaisir qu’il donne à ses lecteurs ? Voici deux titres qui tentent d’aller au fond de l’histoire mais ne seront sûrement pas les derniers.
Dans Faut-il brûler Tintin ?, Renaud Nattiez a rencontré des tintinophobes et après tout c’est leur droit de ne pas aimer le petit reporter. Raison pour laquelle l’auteur a pris la plume. Agaçant en effet pour aigris complexés que Tintin se vende toujours à plusieurs millions d’exemplaires par an. Ou que la couverture de Tintin en Amérique vienne de se négocier aux enchères plus de deux millions d’euros. Oui Hergé fait partie des grands noms de la BD et de l’art moderne. Tintin serait désincarné, daté. Pas faux pour le second argument. Les lecteurs toujours actifs sont des baby boomers, allez, on va dire nés à la fin des années 40. Quant aux nouveaux jeunes lecteurs, ils le sont si Tintin est dans la bibliothèque familiale. Et là ils accrochent, preuve en est. Qui c’est qui à eu Le Sceptre d’Ottokar pour sa première communion ? Devinez. Et pourtant ce n’est pas pour autant que cet amoureux inconditionnel de BD est devenu un tintinophile tout en ayant lu à maintes reprises les albums. Il préférait Spirou et Franquin. Donc le travail de fourmi de Nattiez montre que Tintin c’est une comédie humaine, pas plus politiquement incorrecte que d’autres. Tintin au Congo, chez les Soviets, en Amérique sont des témoignages de leurs temps. On peut le regretter mais tout a été fait pour, comme on dit dans le Sud, « rapetasser » le tout aujourd’hui. Cela dit Tintin est quand même bien propre sur lui. Faudrait quand même pas non plus tirer des conclusions aux forceps quand des gamins de nos jours jouent sur consoles à des jeux odieux ou lisent des mangas gore. Tintin ne va pas les troubler d’avantage. Oui on peut et on a le droit, d’aimer Tintin. Tous peuvent le lire. Nattiez accumule exemples, citations, langage, et dessin, le bouquin se dévore comme un thriller. Le dessin de Wolinski à la fin du livre dit tout : Hergé est mort. Un fils dit à son père : « Mais tu détestais Tintin ? » et il répond : « Oui mais j’adorais ses aventures ».
Faut-il brûler Tintin ? Sépia, 20 €
La Dernière aventure de Tintin et d’Hergé de Nicole Benkemoun revient sut l’ultime pirouette involontaire de George Rémi. L’Alph-Art sera son concerto inachevé. Comme le disait Haddock « une œuvre d’art ne sert à rien. C’est ça l’art ». Quand on se plonge comme l’a fait l’autrice dans les prémices, croquis, esquisses de ce qu’aurait dû être cet ultime Tintin on est comme elle face à une gestation et il n’y aura pas de naissance. Et plus de Tintin après sa mort. L’album est publié inachevé alors que Bob de Moor aurait pu le terminer comme pour Sato de Jacobs (ce qui n’est pas une réussite). Ce qui a été refusé. Elle revient sur les tirages, le premier luxueux en 1986, le second en 2004 classique. Elle se penche sur les planches, les couvertures. L’art est présent dans toute l’œuvre d’Hergé grand amateur et collectionneur. Nicole Benkemoun fait des flashbacks sur les autres albums. Là aussi elle en scrute tous les éléments. Écriture, littérature, musique, l’art est partout. Peux-t-on alors en conclure que dans l’Alph-Art Tintin serait mis à mort ? Le titre répond à la question mais repose sur une ambiguïté. Hergé est mort et c’est son décès qui a entrainé Tintin dans la tombe. Analyse pointilleuse, mise en évidence de grands noms de l’art, Hergé est pour elle frustré de ne pas être allé au bout de sa passion pour la peinture. Là aussi on suit page à page la piste de cette enquêtrice passionnée qui déchiffre Hergé pour le meilleur.
La Dernière aventure de Tintin et d’Hergé, L’Alph-Art ou l’art de l’inachevé, Sépia, 20 €
Franquin avait bien résumé la situation en disant » Hergé est notre grand-père ! Jijé notre père ! »
Hergé restera comme celui qui a codifié la ligne claire belge. les mauvais procès à son oeuvre sont dans
cette mouvance contemporaine qui veut gommer les préjugés d’autrefois en croyant que la manière actuelle
de penser et de vivre est la bonne !