Elle a 14 ans Joséphine surnommée Finnele, et elle est alsacienne, ce qui en 1920 n’est pas si simple à vivre. Car l’Alsace vient de redevenir française après presque cinquante ans d’annexion par l’Allemagne à la suite de la défaite de 1870. Dévastée, prise au piège de ce passé allemand qui a marqué la population obligée de combattre sous l’uniforme ennemi, régie par des lois spécifiques en particulier pour la laïcité, l’Alsace se cherche face à une France de l’intérieur qui avait fait de son retour à la France une des causes de la guerre de 14. Anne Teuf a puisé dans les souvenirs familiaux pour raconter le parcours de Finnele, témoin malgré elle des chaos de l’Histoire.
Les femmes à la maison à faire des enfants, c’est ce qu’entend la jeune Finnele qui veut à tout prix travailler. D’autant que son intransigeante et acariâtre de mère compte sur son salaire. On parle « boche » en Alsace, c’est ce que disent les Français venus de l’intérieur. Pas faux et normal quand on a été allemand contraint et forcé. On parle aussi l’alsacien mais l’Alsace est fière d’avoir retrouvée ses liens français. Finnele et ses sœurs, leur père qui tente de reconstruire la maison, tous attendent les dommages de guerre que doit verser l’Allemagne. Pas vraiment la joie en Alsace. Finnele va travailler dans une épicerie. Les labours sont ponctués pat l’explosion des obus oubliés. Les hommes reviennent souvent libérés car fait prisonniers sous uniforme allemand. Finnele persiste et devient femme de chambre d’une famille bourgeoise, revit et grandit. Son père a dilapidé son argent dans des prêts et des dons. La situation est critique.
C’est la période et le lieu qui fait bien sûr l’intérêt à la fois documentaire et romanesque de cette saga. On a oublié cette période transitoire du destin de l’Alsace qui vingt ans après redevient une fois de plus en 1940 allemande. Tout sera à refaire. Anne Teuf montre avec émotion et pudeur la réalité alsacienne qui quand on l’a connue de près est un cas unique dans notre Histoire. L’Alsace a toujours revendiqué avec courage et fierté son appartenance à la France mais a dû s’adapter, prise en tenailles, et a d’ailleurs gardé des lois datant d’avant 1970. Un récit passionnant mais qui demande quelques « racines » locales pour parfaitement l’apprécier.
Finnele, Tome 2, Dommages de guerre, Delcourt, 13,50 €
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