Si Hergé avait décidé d’envoyer Tintin sur les glaces ailleurs qu’à la recherche des restes de L’Étoile Mystérieuse, ses aventures auraient pu avoir un petit air de celles que va vivre par dessins interposés le héros de Tanquerelle (en fait un peu lui même) dans son extravagant et très réussi Groenland Vertigo. Tanquerelle revendique clairement un hommage à Hergé avec cet album. Sur les traces de Paul-Émile Victor, le métier d’auteur BD peut parfois révéler des surprises, des plaisirs et des pièges inattendus.
Quand on lui propose d’accompagner une expédition vers le Groenland en 2011, Georges ne sait pas dans quelle galère arctique il va se fourrer. Le dessinateur en mal d’inspiration se dit qu’après tout il n’a rien à perdre et embarque donc à bord de l’Aurora commandée par le capitaine Kuller. Avec lui des scientifiques danois, un sculpteur zinzin Kloster qui veut implanter l’une de ses œuvres sur la banquise, son assistant dévoué et un équipage rompu aux eaux glacées du Grand Nord. On n’oublie pas l’écrivain voyageur Jorn Freuchen, pilier de cette saga maritime dont Georges ne sait pas encore qu’il en sera le héros chahuté et naïf. Son seul but est de prendre des photos, faire des dessins et si possible retrouver l’inspiration. Sauf que les petits génies de l’aventure sont parfois capricieux et taquins. Georges va vite comprendre qu’il n’est pas à bord d’un paquebot Costa. Kloster est de plus en plus parano, Freuchen carbure au Scotch et raconte ses souvenirs tout en retrouvant les lieux de frasques passées. Dans un grand moment de solitude le sculpteur jobard lui confie son carnet secret persuadé qu’il est victime d’un complot. Freuchen et Gerorges vont rester ensemble quelques jours afin de peaufiner un projet de livre en commun mais n’y aurait il pas une autre raison plus terre à terre ?
Tanquerelle avec beaucoup d’intelligence, d’humour et de sens de la narration mélange son expérience de navigateur amateur dans une bien réelle expédition arctique avec une large part de romanesque échevelé qui assoit à merveille une histoire rocambolesque. Il n’a pas voulu faire un carnet de voyage qui aurait pris le risque de se banaliser alors que dans cette fiction bouillonnante on se prend à rêver de trésors perdus pour lesquels un certain Haddock se damne presque dans le Secret de la Licorne ou de génie loufoque. Tanquerelle a accentué le côté ligne claire de son dessin et on comprend bien pourquoi au fil des pages. Cherchez à qui ressemble Kloster ou son adjoint. Tout ce voyage est un vrai régal. On avait rencontré Tanquerelle à la sortie des Voleurs de Carthage où il parlait déjà de L’Étoile Mystérieuse avant de se lancer dans l’aventure de Professeur Cyclope. Son Groenland Vertigo mérite que l’on face pour le plaisir, l’humour et l’ironie le voyage avec lui.
Groenland Vertigo, Casterman, 19 €
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