Jirō Taniguchi est l’un des plus grands maîtres de la BD contemporaine. Certes on pourra dire que l’œuvre de cet artiste hors du commun ne répond à aucun des critères classiques du 9e art, mélange d’influences, de cultures, de talent subtil. Taniguchi est une sorte de statue du commandeur, primé, reconnu, flatté. Dans L’Art de Jirō Taniguchi, un ouvrage à l’italienne illustré comme le catalogue d’une exposition, Benoît Peeters signe l’avant-propos et reconnait lui-même que l’art de Taniguchi est difficile à définir. Avec cet album dont les légendes sont signées par Taniguchi on clarifie le jeu, on ne laisse plus les cartes se brouiller. Taniguchi parle et explique. On est en ébahi et charmé, subjugué.
Dire manga est-il bien judicieux quand on parle de Jirō Taniguchi ? Il est certes japonais et ses premiers travaux sont dans la tradition de sa culture. Ensuite c’est sa ligne claire qui prend le dessus, sans éclats de pinceaux, parfois avec une froideur qui décontenance. Le Promeneur, Le Gourmet solitaire, Les Années douces ne sont pas des modèles où les dialogues oppressent. On ne sourit pas souvent quand on est un personnage de Taniguchi. Le lecteur est en attente et Taniguchi investit son imaginaire par des expressions, sans jamais exagérer le poids du graphisme. C’est peut-être cela le secret de Taniguchi, la simplicité réaliste, sans forcer, naturelle, et des regards qui en disent plus que n’importe quel discours.
Des Enquêtes du limier à Seton ou à Trouble is my business ou Quartiers lointains Taniguchi déroule son trait si reconnaissable que ses portraits flirtent intensément avec la peinture. Dans la post-face de l’album il avoue vouloir partir sur d’autres pistes graphiques. Le recueil lui semble aller dans ce sens, partager le réel avec ses lecteurs. Pourquoi pas mais L’Art de Jirō Taniguchi est avant tout magique.
L’Art de Jirō Taniguchi, Casterman, 35 €
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