On avait suivi Chinaman sur toutes les pistes que lui avait fait emprunter un des meilleurs duos en BD, Serge Le Tendre et TaDuc. Chinaman est un incontournable du western, de la saga d’un Ouest américain dont le héros est un asiatique roi du sabre et des arts mariaux réunis. Chen Long est arrivée au bout de sa route et, en un one-shot d’une rare force, d’une beauté narrative et graphique à couper le souffle, il va se battre comme au premier jour d’autant qu’il a une raison impérieuse de le faire, un fils dont il découvre l’existence. Une poursuite impitoyable, règlements de comptes à OK Corral, ce chant du cygne est un hommage au western, un adieu bouleversant aussi bien pour les lecteurs que, on le suppose, pour les auteurs. TaDuc a mis toute sa passion, son talent, son affection dans le dessin de cet ultime chevauchée fantastique, dans cette dernière charge héroïque et solitaire d’un homme de bien (inspiré par l’acteur Toshiro Mifune des Sept Samouraïs) qui va au bout de son destin en compagnie d’un Serge Le Tendre totalement inspiré et impliqué. On va le regretter Chen Long finalement rattrapé par un progrès qui n’est pas dans sa culture, la fin d’un monde.
Une jeune fille a été assassinée. C’est la fille d’un banquier de Bakersfield en Californie. Une équipe de l’agence Pinkerton est sur l’enquête. Le chef est Wheeler accompagné d’un jeune agent, Matt Monroe. A Idelwild, patelin paumé, Marcus récupère son ami Chen Long saoul comme d’habitude et drogué à l’opium. Chen est une vraie loque. Marcus lui propose de partir avec lui en Afrique. Matt de son côté se souvient de sa mère, Ada, qui a épousé le docteur Monroe, veuf avec sa fille Susan. Monroe s’est lancé dans les affaires, le pétrole. Il se renseigne aussi sur un ancien prisonnier incorporé chez les Sudistes. En ramenant une fois de plus Chen, Marcus tombe sur une jeune femme qui a réussi à échapper à ses ravisseurs. Mais les choses tournent mal.
A partir de là, tout va s’emballer sur plus de 130 pages. Et Le Tendre ne va pas ménager ses effets, ni son héros. Il est évident qu’un Chinaman ne peut pas ne pas aller au bout de sa vengeance mais qu’en sera-t-il avec désormais un fils à protéger ? Dont on se doute rapidement de l’identité et c’est bien. Tout est avant tout dans cet héritage moral, et dans le secret de ce qu’a fait Chen Long pendant la guerre. Hanté Chinaman, ce qui lui correspond bien depuis La Montagne d’or en 1997. Il y a aussi le progrès, la première automobile, les magouilles financières, un côté Pale Rider. Ce Réveil du Tigre est une synthèse du western avec en plus la singularité du personnage de Chen Long issu de l’immigration chinoise aux USA, autre thème important de la série. TaDuc a réalisé une œuvre parmi ses meilleures avec ce dernier opus. Un très grand moment à lire, relire pour encore mieux s’en imprégner car c’est un classique en devenir.
Le Réveil du tigre, Dupuis Aire Libre, 28,95 €
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