On a un petit faible pour les bons romans graphiques qui racontent ce qu’a été la vie de héros anonymes du contour de la Méditerranée, au fil des guerres du XXe siècle, des migrations. Et quand on est, en plus, un désabusé notoire comme Antonio grand raconteur d’histoire à sa petite-fille, on écoute, on regarde avec un vrai plaisir ces cheminements hors normes parsemés d’un humour brillant, en finesse. Michèle Standjofski (qui avait signé Toutes les mers) est née à Beyrouth, aujourd’hui encore après une guerre cruelle dans les années 80, ville d’un Liban toujours malmené par l’Histoire. Son coup de crayon est savoureux, riche et élancé. On la suit avec Antonio sur fond de touches colorées et d’expressions perspicaces.
Naples en 1905, Antonio raconte comment il a perdu eu jeu l’argent des courses, volé un beau poisson et dit à sa mère qu’il a croisé une panthère noire. Son père qui connait bien son fils relativise gentiment. Il invite Ernesto le nouveau voisin un peu fou. La mère d’Antonio, Augusta, est mystique. Antonio joue à la Morra, la Mourre qui se pratique avec les doigts. Augusta veut faire exorciser son fils. Mais sans effet. Antonio se retrouve à l’atelier d’emboutissage de son père et est fataliste. En 1909, il raconte comment il a sauvé un ami de la Camorra. Mais son avenir va se jouer quand son père est invité par le Sultan à Constantinople pour lui confier une œuvre importante et qu’il décide de prendre Antonio avec lui.
Ce sera le grand tournant du bonimenteur Antonio. Une histoire de cœur pour le Sultan, une découverte. Antonio est intelligent et opportuniste. La guerre entre Italie et Empire Ottoman en 1911 et la mort de sa mère, ce sera le second tournant. Il va vieillir Antonio. La Grèce, la grande guerre, le fascisme, toujours guilleret et bien habillé il passe à travers, s’engage quand même en Abyssinie. Un électron libre qui raconte ses histoires, son histoire, moustache gominée et séducteur. Le Liban, le seconde guerre, il n’en loupe pas une et Michèle enregistre la voix d’un brave homme émouvante. Un bouquin qui vibre pour une belle saga familiale.
Antonio, Des Ronds dans l’O, 26 €
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