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La Fissure, attention catastrophe

Quoiqu’on en dise et malgré la puissance de la télévision, des documents filmés, rien ne peut égaler la force de la photo de reportage. Elle seule sait et peut saisir l’instant fugace, la profondeur d’un regard, le mouvement, la passion, la peur ou la joie, l’horreur. La Fissure est avant tout un recueil de photos. Des photos prises grâce au courage et à la volonté de deux journalistes, Carlos Spottorno et Guillermo Abril qui sont allés chercher aux sources des réponses à des questions parfois sans réponses, l’afflux des réfugiés vers une Europe submergée qui risque de finir elle-aussi dans un situation explosive et sans issue. Des frontières aux camps, des rafiots aux murs de frontières passoires, les deux reporters ne cachent rien et ont décliné en un album remarquable leur périple. Un constat, l’échec d’un monde dont les repères disparaissent et qui peut se prêter à tous les extrêmes.

L’enclave espagnole de Melilla au Maroc, c’est le point de départ de ce pèlerinage photographique, son mur, sa ville fortifiée, enclave européenne au bord de l’Afrique. Un paradis pour les migrants qui se lancent à l’assaut des barbelés, et espèrent avoir un statut de réfugiés. Misère, violence, maladie, une faille qui en annoncent d’autres. La frontière turque et la Bulgarie, autre mur avec ses miradors et baraques. La Bulgarie ne sait plus comment endiguer le flux. Les migrants viennent aussi d’Afrique de l’Ouest. Des Kurdes, des Syriens et plus au sud la Sicile avec Lampedusa, le summum en matière d’immigration maritime. Depuis le printemps arabe, la Libye est un pays en ruine. Des avions patrouillent sur la Méditerranée pour tenter de repérer et de sauver les embarcations surchargées qui coulent souvent en pleine mer.

Officiels, militaires, migrant, marins sur leurs navires de guerre, femmes, enfants, à chaque nouvelle étape de ce parcours de la misère, le spectacle est le même, les photos sont sobres, directes mais fortes. Elles témoignent et racontent, ne jugent pas. Tout s’enchaîne de l’une à l’autre comme des cases de BD en jouant aussi sur les filtres couleur des clichés. Pour le pire car il est encore à venir. L’Afrique plus encore que le Moyen Orient est un incontournable réservoir de migrants si rien ne change dans des pays où une poignée détient pouvoir et argent alors que la misère règne. La fuite vers le nord même si elles semble inévitable ne pourra mener qu’à une situation de conflits permanents, de fermetures de frontières, source de populisme grandissant et de mesures radicales. C’est ce que montre La Fissure, écrasant travail d’investigation dans un monde d’information flash, spectacle et non vérifiée. Alors que faire ? Aider ces populations dans leurs pays respectifs et ne plus fermer sans pudeur et par intérêt les yeux sur des gouvernants sans scrupules.

La Fissure, Gallimard, 25 €

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