Le chat du Rabbin Tome 7 : le double maléfique de l’humanité dit tout haut ce qu’on pense tout bas

On ne présente plus le Chat du Rabbin crée par Joann Sfar en 2002. Après deux ans d’absence Sfar revient avec un septième tome des aventures de son chat préféré intitulé La Tour de Bab-El-Oued. Dans ses nouvelles aventures, notre ami le Chat, au verbe toujours aussi aiguisé, nous emmène dans les rues d’Alger dans les années 20, dans une quête à la fois philosophique et théologique. Le Chat du Rabbin a plusieurs soucis à gérer entre sa maitresse qui n’a rien trouvé de mieux que d’avoir un bébé et deux chatons qui, fuyant la mosquée, se sont réfugiés chez lui. Il ne sait plus où donner de la tête le félin. Par Sidney TRUC

La Tour de Bab-El-Oued Mais il a plus compliqué comme problème, au-delà de ses petits soucis du quotidien. La Mosquée a pris l’eau et son maitre le Rabbin décide d’accueillir les fidèles musulmans dans sa Synagogue. Refus catégorique des pratiquants tant juifs que musulmans qui ne veulent pas prier ensemble. N’arrangeant rien la Synagogue est elle aussi inondée et devient impraticable sans aucune explication logique. Les deux cousins, le Rabbin Sfar et le Cheikh Sfar (qui officie également comme Imam) décident de s’adresser au curé (à la ressemblance joyeuse avec Bernard Blier dans les Tontons Flingueurs) pour trouver une solution durant les réparations des deux lieux de cultes noyés par les eaux. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Le Rabbin et le Cheikh sont toujours à la rue et ne comprennent pas pourquoi leurs lieux de prières sont sous les eaux. C’est sans compter sur l’intervention du Malka des Lions qui après une après-midi un peu corsée au comptoir, trouve la raison du problème. Les fidèles, de toutes confessions, n’ont plus l’innocence de leur enfance. Ils sont formatés dans une pensée cloisonnée et ne savent plus vivre en dehors de leur communauté, accepter les différences de l’autre. Mais alors comment faire pour permettre la renaissance de ce vivre ensemble ?

Dédicace de Joann Sfar C’est cette quête que va mener notre Chat sur fond de réflexions et de pensées acides mais pour autant justes et réalistes. Il est une sorte de double maléfique, une conscience universelle mais mal embouchée qui dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Joann Sfar nous fait part de ses déceptions face à l’incapacité des hommes de vivre ensemble, de se respecter mutuellement. Il traite également de la monté de l’extrémisme dans les religions monothéistes. Le monde est redevenu Babel après la destruction de sa tour du même nom, plus personne ne sait échanger, cohabiter dans le respect et l’écoute de l’autre. Il n’y a plus de communication, comme lorsque Dieu a puni l’humanité en imposant des langues différentes montrant sa supériorité aux hommes. Triste constat que tire Joann Sfar dans ce tome. On sent vraiment sa déception dans les attentes qu’il a de notre monde et de notre société. Il y a un réel message derrière son scénario et ses dessins, qu’il est difficile de complément cerner à la première lecture mais cet obstacle est voulu par l’auteur. Il faut lire et relire.

Joann Sfar
Joann Sfar à Angoulême 2016. JLT ®

Graphiquement pas de surprises, c’est Sfar. Le trait est doux, fluide mais direct. La mise en couleur est signée Brigitte Findalky avec des tons toujours aussi chatoyants. Ce nouveau tome répond complètement aux attentes du lecteur malgré sa légère complexité. On reste par contre un peu sur sa faim à la fin de l’album. Ce tome est une sorte de teasing du prochain, le 8 « Petit panier aux amandes ». On a hâte de pouvoir le découvrir et savoir comment Sfar, ou le chat, prolongera son propos.

Le Chat du Rabbin, Tome 7, La Tour de Bab-El-Oued, Éditions Dargaud – Poisson Pilote, 14,99 €

Le Chat du Rabbin

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