Une histoire d’île au moins provisoire, un mas isolé au sommet d’un coteau que les eaux boueuses d’un violent épisode cévenol transforme en atoll. On est dans la Gard à la fin des années cinquante, l’eau qui monte, et un médecin qui s’inquiète pour son père dans son mas paumé, L’Île aux remords (Grand Angle) est signée par Didier Quella-Guyot scénariste et Sébastien Morice au dessin. Après l’excellent Facteur pour femmes, Sébastien Morice revient sur cette île singulière où des secrets de famille vont enfin sortir des eaux. Un dessin superbe, très évocateur, au souffle pagnolesque pour un dessinateur qui va dessiner la célèbre trilogie de Pagnol, Marius, Fanny et César. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Sébastien Morice, qui est gardois ou héraultais ? Vous ou votre scénariste ? On parle de Bagnols, de Gardon, on dirait Sommières sous les eaux ?
Aucun des deux. On n’a pas donné de lieu précis mais c’est vrai qu’on est dans le Gard cévenol et il va s’y passer un de ces fameux phénomènes pluvieux.
Une histoire d’îles de plus après avoir fait Facteur pour femmes qui se passe aussi sur une île, vous y êtes abonné ?
Ce n’est pas un choix en particulier. C’est un goût pour les voyages et l’île permet de mieux rendre une atmosphère dramatique, son intensité, un huis-clos. Le prochain album ne se passera pas sur une île.
Il y a l’environnement, les secrets de familles et aussi un passé colonial, un curieux mélange ?
Il n’y a pas de raisons plus personnelles à aimer ces sujets ?
Non, ils me font rêver mais il y a aussi la possibilité d’aborder des thèmes d’aujourd’hui et que les gens se posent certaines questions.
Vous traitez de la Guyane chère à Albert Londres qui s’est battu contre le bagne mais aussi de celui de Poulo Condor en Indochine sud presque inconnu ?
Les éléments les plus virulents, Viêt-minh entre autres qui étaient à Poulo Condor pendant la guerre d’Indochine ont été transféré à Cayenne. On voulait les éloigner. Les Français puis les Américains et le régime vietnamien s’en sont servis jusqu’en 1975.
C’est possible car ces affiches ont fait partie de ma documentation. Sur certains moments du scénario on a travaillé ensemble en particulier sur la partie des bagnes qui était trop succincte à mon goût. On a retravaillé ces passages pour leur donner plus d’intensité et expliquer les remords du héros, ce qu’il a fait là-bas.
Pour lui c’est normal il est jeune officier médecin et partie prenante de cette action coloniale répressive ? Contrairement à son père.
Le père qui a été FTP pendant la guerre, résistant contre l’empire colonial français, est plus ouvert que son fils qui lui a été formaté par l’armée.
Je ne passe pas par le stade de l’encrage. Un crayonné sur papier et après je scanne et fais des couleurs numériques. J’ai beaucoup accumulé de documentation sur le sujet et c’est une face de ce métier que j’aime beaucoup.
Cela vous tient à cœur de rassembler pleins de détails authentiques ?
Oui je suis toujours à le recherche du petit détail qui sera un reflet de l’époque.
Votre héros est infirmier puis médecin. Il est censé soulager les gens et se retrouve dans des environnements durs où ses patients souffrent contraints et forcés.
C’est le service minimum. Quand il revient au pays, c’est une façon de se racheter en devenant médecin de campagne. Il a l’impression d’être passé à côté de quelque chose. Il est tourmenté par ce qu’il a vécu.
Cela dit votre scénariste a mélangé les pistes. Votre héros de cette Île des remords est marqué par le destin. Vous préparez vos personnages graphiquement ?
L’histoire m’a plu avec un côté complexe à dessiner, à cadrer. On sait qu’on va amener le lecteur de surprise en découverte sans jamais le perdre. Avec Didier on a passé du temps à recoller les morceaux. On a échangé pour ne pas faire d’impairs sur certaines périodes, sur des flash-backs. Entre son père biologique, sa mère, il fallait affiner. Je fais très peu de dessins préparatoires, je n’ai pas le temps. Je croque les personnages principaux et on se met d’accord avec Didier et j’attaque le story-board.
Si on vous dit que c’est un environnement qui fait penser à Pagnol ?
Cela me fait plaisir parce que je suis en train de travailler sur Pagnol.
Le médecin il y a du Marius, le papé du Jean de Florette. Vous travaillez sur quel Pagnol ?
Sur Marius justement. Sur la trilogie marseillaise.
On sort du sujet de votre dernier album mais avec Marius c’est compliqué car il y a les films avec Raimu, Fresnay qui sont ancrés dans la mémoire collective ?
Le postulat de départ est qu’il fallait s’éloigner des personnages des films. Je les ai tous dessinés. L’album est pour 2019.
Le bar de la Marine ou le magasin de Panisse, on en a une vision cinématographique.
Je regarde souvent les films pour avoir des détails de décors, des jeux d’acteur car c’est très théâtral. Sur Marius j’ai passé beaucoup de temps sur la doc car je ne connais pas Marseille et cela se passe dans un quartier qui a été détruit pendant la guerre. Quand j’ai collecté les photos il fallait que je comprenne comment fonctionnait le quartier.
Marius c’est du théâtre filmé.
Marius, c’est éloigne de ce que je fais donc ça ma plu. Avec l’Île je varie les angles de vues mais le format de la collection s’y prête. On a ajouté des pages et un cahier historique. C’est un album romanesque et historique. On était aussi limité quand même par la place.
Vous avez un autre projet avec votre scénariste Didier Quella-Guyot ?
Oui mais c’était avant de signer Marius. On va le décaler. Je peux dire que ce sera dans l’Aveyron mais pas plus.
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