C’est une œuvre à la fois posthume de Pagnol mais dont pourtant une version a été publiée dans le tome 4 des Souvenirs d’enfance, le Temps des amours. Mais à noter que ce volume 4 avait été une œuvre d’éditeur et une dizaine d’histoires retrouvées dans les papiers de Pagnol réunies après sa mort. Les Pestiférés raconte comment un quartier isolé de Marseille va vivre une terrible épidémie de la maladie noire, l’éviter, et comment ses habitants décideront en fin de course de tout quitter pour s’installer dans les contreforts provençaux. Serge Scotto, Eric Stoffel en ont tracé une adaptation qui prend pour fin non pas un happy-end proposé dans Le Temps des amours mais au contraire la disparition de toute la communauté prise au piège de sa joie de vivre retrouvée. Un conte à la fois social, politique et historique. On est en 1720 et, que ce soit à Marseille ou ailleurs en France, on n’en est pas encore à l’acceptation des hippies libérés. Samuel Wambre a mis en page un travail très coloré avec des trognes pagnolesques et une ambiance très riche, pas très gaie. Encore que.
Des cadavres aux symptômes inquiétants, la peste aurait bien pu faire son retour sur Marseille, un port aux croisements de toutes les routes de Méditerranée. On la connait la peste. On sait qu’elle ne pardonne ni n’épargne. Dans le quartier du haut, loin du Vieux Port, Maître Pancrace règne un peu en maître. On ne sait pas trop qui il est mais tous l’écoute. Il est un bon médecin. Autour de lui le notaire Passacaille, Garin le jeune, Combarnoux le drapier, et le Capitaine un marin bourlingueur. Et bien d’autres. Un village qui ressemble à la crèche de Noël, une centaine de braves gens. Au retour d’une visite à Marseille, Pancrace revient inquiet. Il a vu des malades qui semblent bien avoir la peste mais à Marseille, on nie le problème. Trop d’enjeux. A part le vinaigre pour désinfecter, on ne connait pas de remède à la maladie. Il y a eu déjà dix-neuf épidémies de peste. Très vite la peste est bien confirmée. Pancrace demande aux habitants du quartier de prendre des mesures solidaires. On espère que la peste ne sortira pas du port mais il faut s’attendre au pire. Tous partent cherchent des provisions dans le villages où l’information n’est pas encore arrivé. On va barricader les maisons. Le glas sonne dans les églises. Pancrace réunit les habitants et va tous les ausculter. Seul Combarnoux avec sa famille part pour Marseille, persuadé que c’est Dieu qui a voulu la peste. Il se soumet à sa volonté.
Un mélange de fiction, de faits historiques mais surtout un récit de Pagnol qui tranche sur l’ensemble de son œuvre. On découvre dans la postface le côté très politique du père de Marius ou du Schpountz. L’église catholique n’est pas présentée dans Les Pestiférés sous son meilleur jour. Les choix communautaires de Pancrace et de ses amis vont être balayés. On est dans une tragédie inhabituelle pour Pagnol. C’est bien que Scotto et Stoffel aient évité la fin heureuse même si on prend fait et cause pour tout ces personnages attachants. Avoir adapté, et de belle manière, ce texte dans la collection Pagnol est un cadeau pour tous les fans de Marcel Pagnol. Wambre a donné un côté très cinématographique à son dessin, ce qui le rapproche aussi de Pagnol. Tout en conservant une ligne claire parfois proche d’un Marcel Jeanjean.
Les Pestiférés, Grand Angle, 19,90 €
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