Avec Les Souvenirs d’Enfance, la trilogie marseillaise, Marius, César, Fanny sont des monuments incontournables de l’œuvre de Marcel Pagnol. Pièces de théâtre sur scène puis filmées, enregistrées sur disques à l’époque, reprises maintes fois en TV, ces trois chefs d’œuvre vont faire leurs premiers pas en BD dans le cadre de la collection que Grand Angle consacre à Pagnol, l’un des plus grands maîtres de la littérature du XXe siècle. Ce qui n’est pas une mince affaire car adapter Marius, c’est aussi marcher sur les traces de Raimu, Fresnay ou Orane Demazis avec ses bouclettes années 30. Il fallait donc à Sébastien Morice, le dessinateur, bien du courage, de l’envie, du talent, pour mettre à sa main, à son crayon les personnages de Pagnol très incarnés, sans tomber dans la copie conforme, garder une originalité graphique qui s’impose aux yeux des lecteurs fans ou pas de Pagnol. Pour le scénario, c’était finalement plus simple pour Serge Scotto et Eric Stoffel qui connaissent bien leur Pagnol. Les mots devaient sonner comme dans la pièce, accent en prime, sans y toucher, quitte, à légèrement élaguer sans trahir, pour mieux rentrer dans le format BD.
On passe au dessin très ensoleillé de Sébastien Morice que l’on avait interviewé pour L’Île aux remords après le remarquable Facteur pour femmes. Ses choix pour ses personnages secondaires sont dans la lignée du texte et des acteurs. Monsieur Brun, Panisse, Escartefigue rayures et casquette, Piquoiseau, on est dans la réalité pagnolesque bien adaptée, rajeunie. Pour César, c’était plus compliqué. Le défi était à la hauteur de ce que Raimu en avait fait. Morice a tenu le coup. Son César fonctionne, le texte de Pagnol chante dans les cases. César reste dans la suite de la trilogie un des piliers de l’œuvre, la seconde pièce porte son nom
Restait le couple infernal, les Je t’aime moi non plus avant la lettre. Fanny c’est « méditerranéisée ». La menue Orane Demazis au jeu parfois curieux amis toujours émouvante, s’est métamorphosée en une brune piquante un brin grande gueule qui rend même plus crédible son conflit amoureux avec Marius tout en jouant aussi la carte sensible. Deux tempéraments de feu, les tourtereaux. Marius a gardé sa mèche et son mégot, perdu son canotier, a pris le physique d’un acteur baraqué à la Vincent Cassel. Au final, on s’y fait très bien à ce casting qui au fil des pages se démarque. Sans faire oublier ces illustres prédécesseurs, c’est le choix qu’il fallait faire. Pagnol est avec eux, dans son texte, et c’est peut-être le plus important, l’osmose entre le texte et les images au découpage efficace. On y croit tout à fait, le défi était lourd à relever. Marius partira-t-il au loin ? Que va devenir Fanny ? Et la partie de cartes ? La Marine française ? Ce sera dans le prochain album. Un très bon cahier dossier sur le Marseille des années trente en fin d’album. Pagnol a réussi avec son Marius que son romanesque marseillais devienne une réalité dont personne ne doute.
Marius, Tome 1, Grand Angle, 14,50 €
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