Albums

Portrait d’un buveur, pirate alcoolique

C’est ce qu’on appelle un titre réducteur. Portrait d’un buveur est en fait une histoire de pirates. Certes, on aime le rhum chez les flibustiers au pavillon à tête de mort et il va y aller gaiment Guy, le héros décérébré de Olivier Schrauwen et Ruppert & Mulot. On va suivre son périple de tueur maladroit, de crève-la-faim pitoyable qui, pourtant se tire de tous les paniers de crabes où il tombe. Dire qu’on est devant une œuvre atypique est faible. On oublie les Pirates des Caraïbes, Long John Silver ou Barbe Rouge. Des gentils propres sur eux. Le Guy, c’est du lourd, de l’aviné dans un milieu pourri. Mais l’écriture comme le dessin de cette saga édifiante et décalée impressionnent par leur modernité.

Il est bourré, Guy. Il mendie, agresse les passants en leur chantant une ritournelle débile. Il tombe sur un nobliau qui va lui résister. Mais Guy sait manier la lame et envoie ad patres l’importun. Désormais le mort, derrière un drap noir, sans savoir pourquoi, est le témoin de la vie trépidante et désordonnée de Guy. Il continue le bougre dans une auberge où il vole un perroquet. Normal pour un pirate. Il est flanqué dehors et embarque sur un galion comme charpentier. On lui colle comme aide le jeune Clément, un bavard qui ravitaille Guy en rhum. A bord, il y a Isabella au riche collier qui doit lui permettre d’être reconnue par son futur mari, un ambassadeur de Jazira où va le navire. Elle a le scorbut et meurt. Des pirates attaquent le galion de Guy qui ne se bat pas. Il se cache dans la cale et vole le collier d’Isabella qui rejoint le nobliau derrière son rideau noir. Fait prisonnier, Guy a la vie sauve car il est charpentier, ce que cherche le chef des pirates. Mais il veut aussi le collier pour accéder au riche ambassadeur qui ne connait pas sa fiancée.

Entre le perroquet et Clément, le rhum, un nain, un trésor, il y a du classique dans ce buveur émérite. De la poésie un brin avinée mais joliment tournée avec les morts derrière leur drap. Des cauchemars surréalistes, une alternance de tons, de couleurs, de traits définis ou pas en particulier pour les visages, Gentil serait donc le plus gentil de tous ses amis. On se moque, on caricature tout juste, Guy est abominablement drôle mais on rit jaune. Ce Portrait d’un buveur, très travaillé, devrait se placer en bonne place parmi les meilleurs titres de l’année. Il faut le lire tout en sachant qu’il y a risque de ne pas accrocher. Ce qui serait cependant dommage.

Portrait d’un buveur, Aire Libre-Dupuis, 28,95 €

Partager

Articles récents

Le Marsupilami de Nesme, El Diablo sauce Trondheim

Un marsupilami palombien en pleine conquête hispanique de l'Amérique du Sud, un mousse qu'on veut…

24 novembre 2024

Les Morsures de l’ombre, au fond du piège

Un polar psychologique à succès de Karine Giebel en 2009, ce sont Miceal Beausang-O'Griafa, Xavier…

23 novembre 2024

Le Voyage de Renn, un ours bien léché

Une belle histoire dans la lignée des récits à la Mowgli, des animaux que tout…

23 novembre 2024

Complainte des Landes perdues Cycle 4 Tome 4, Sioban en première ligne

Sioban, le retour avec Jean Dufaux évidemment et Paul Teng qui en est pour le…

22 novembre 2024

Collection Papillon Noir, Gallimard avec Benjamin Lacombe pour Noël

On dira que les Éditions Gallimard avec la création de Papillon Noir, leur toute nouvelle…

22 novembre 2024

La Sagesse des mythes de Yvain le chevalier à la Belle au bois dormant

On avait déjà signalé que La Sagesse des mythes, la collection consacrée à la mythologie…

21 novembre 2024