Au moment même où on veut donner une vraie mémoire à l’esclavage, l’ouvrage de Sylvain Savoia tombe à pic. En en dévoilant l’un des épisodes les plus méconnus qui a pour cadre l’Océan Indien, l’auteur signe avec Les Esclaves oubliés de Tromelin un retour vers l’enfer et un zoom sur l’action de la France de l’époque où la traite des Noirs était tout ce qui a de plus légale, malheureusement, et cela jusqu’en 1848 avec des hauts et des bas. Mélange de son voyage sur l’Île du Sable avec une équipe d’archéologues et sa reconstitution du séjour pendant quinze ans des esclaves oubliés sur le site du naufrage du navire qui les transportait, Savoia a bâti un reportage passionnant et émouvant.
1761, on rafle sur les cotes d’Afrique une cargaison d’esclaves enfermés dans les cales de L’Utile qui va s’échouer sur l’Île du Sable entre La Réunion et Maurice. Un îlot sans végétation, sans abri, l’équipage et les esclaves vont tenter de survivre avec ce que contient le navire. D’un côté les Blancs, de l’autre les Noirs qui vont se laisser convaincre de les aider à construire un bateau pour quitter les lieux. Sauf que seuls les Blancs monteront à bord. Les Noirs se contenteront d’une promesse d’aide future. Quinze ans s’écoulent avant qu’on vienne chercher les survivantes car il ne reste plus que des femmes et un enfant sur l’Île.
Savoia raconte au jour le jour les recherches des archéologues perdus eux-aussi, mais avec les moyens d’aujourd’hui, à la recherche des traces laissées par les esclaves. Il intercale le récit de leur survie à l’époque, le tout formant un journal où passé et présent se conjuguent et font acte de mémoire. On est à la fois ému par l’aventure hors normes, et passionnée par la force de caractère des survivants. Savoia a donné un souffle à cette aventure tragique qui se devait d’être racontée pour en garder le souvenir intact.
Les Esclaves oubliés de Tromelin, Aire Libre, Dupuis, 20,50 €
Articles similaires