Je te tiens, tu me tiens par le pognon. Le premier qui l’ouvrira aura une grosse bombe sur la tête. C’est pour simplifier mais dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi qu’ont mis en cases cinq journalistes, on n’est pas loin de la comptine. Un ancien président de la République française, un dictateur bien connu libyen et mort, forment un duo pour un sac d’embrouilles à peine croyable mais dans la lignée de la politique africaine hexagonale. Dire que les cinq confrères, Fabrice Arfi, Benoît Collombat, Michel Despratx, Élodie Gueguen et Geoffrey Le Guilcher, secouent le cocotier est faible. Dans cet album, ils décortiquent un puzzle mortel et ses acteurs, réseaux ou services français officiels. Une enquête qui passe au crible ce qui est devenu un scandale d’état et sur lequel la Justice devra trancher. Le dessin, la mise en scène dessinée, est de Thierry Chavant. Un travail difficile et délicat qui réussit avec succès de ne pas tomber dans la charge graphique ou la caricature.
20 octobre 2011, Kadhafi est en fuite. La France est intervenue en Libye. Le dictateur est intercepté, blessé et achevé. Le principal témoin de ce qui va devenir une affaire quitte la scène; Neuf ans plus tôt, au sommet de sa gloire, en 2007 se tient à Paris une réunion BCBG. On cherche de l’argent frais pour la campagne des présidentielles qui s’annonce. Sarkozy et ses camarades font un petit voyage à Tripoli. Avec Kadhafi, ils échangent. L’avenir est en rose. A condition que Sarkozy soit élu. Des sous, il en faut et Kadhafi en a, prêt à être distribué en liquide dans de grosses valises. Les réseaux se mettent en place. L’argent coule à flots mais les Libyens gardent des traces. Quand Sarkozy est élu, il renvoie l’ascenseur. Le Guide va libérer les infirmières bulgares. Coucou Cécilia. Elles l’auraient été de toute façon. Les deux hommes entament une liaison qui se traduit par l’arrivée de Khadafi à Paris malgré le camouflet de Rama Yade. Contrats, emplois, le Guide se refait une virginité.
Tout est dit, clairement, dans cette enquête qui a un aspect de thriller. Les noms sont cités, avec les liens, les sources. Un nœud de vipères qui finira par un règlement de comptes avec caution de l’OTAN. On joue sur tous les tableaux. Kadhafi devenait gênant pour la politique africaine de la France. Il voulait créer une monnaie à l’échelle du continent et démolir le franc CFA, manne pour les finances françaises. Certes, ce n’était pas un ange. Pour les USA ou le Qatar, il était aussi nocif. Massacres en Libye par les forces du Guide ? Non. Désinformation et attaque française sous l’œil d’un Bernard-Henri Lévy dont les auteurs restituent le rôle pour le moins déplacé. Le bal des faux-culs, non qu’on regrette Kadhafi, terroriste et bourreau, mais c’est la France qui a fait le nettoyage par le vide et pas pour que des raisons humanitaires. Avec un personnage fil rouge à tête ronde, on lit ce document avec une déconcertante facilité. On se doute qu’il a été passé au tamis par avocats et juristes. Nicolas Sarkozy a été mis en examen en 2018 avec Claude Guéant et Eric Woerth dans ce dossier. Ils sont cependant considérés comme présumés innocents.
Sarkozy-Kadhafi, Des billets et des bombes, Delcourt, 24,95 €