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Retour à Lemberg, du génocide au crime contre l’humanité

Il y a parfois (mais de plus en plus souvent en BD) des pavés qui demandent du temps avant d’en arriver à bout. Et d’autant plus comme pour Retour à Lemberg si le sujet est complexe, décortiqué et portant sur les origines des deux notions juridiques qui ont marqué le XXe siècle, toujours bien vivantes aujourd’hui pour le malheur des hommes. Génocide et crime contre l’humanité, quelles différences, pourquoi, comment, Philippe Sands a écrit le Retour pour répondre sur déjà leur naissance. Il avait mené des dossiers sur ces sujets comme il le dit dans sa préface et va à Lviv donner une conférence. Lviv était autrefois Lemberg mais aussi Lvov selon occupants et partages territoriaux. C’est Jean-Christophe Camus qui a adapté et scénarisé le livre, Christophe Picaud en a assuré le dessin, trait clair réaliste en noir et blanc.

Sur les traces de son grand-père Léon Buchhloz né à Lviv, Sands va trouver aussi deux noms qui sont à l’origine des mots génocide et crime contre l’humanité, Lemkin et Lauterpacht. On est en 2010 et Sands sera confronté au rappel du procès de Frank gouverneur nazi de la Pologne occupée. Il va aussi découvrir que les deux termes avaient évolués dans des circonstances intimes des deux hommes qui en avaient des idées différentes. Sands va remonter la piste de l’Histoire la grande avec Léon de la fin des années soixante à 1914, avec des documents conservés. On y va pas à pas. La Pologne sacrifiée, les débuts du nazisme, Lemberg qui change de nationalité, Léon part en France, la chasse aux Juifs a commencé depuis longtemps et le rattrape. Sands va aussi suivre la piste de sa grand-mère Rita. Les témoignages s’accumulent. A la Libération le tribunal de Nuremberg est créé dont deux juges français et pour la première fois on parle de génocide. La paternité du terme appartenait à Raphael Lemkin avec des références à Vienne et à la Pologne.

Après Léon c’est Lauterpacht dont on découvre le destin. Lui aussi est de Lviv, va travailler sur les crimes de guerre dès 1942. Mais rien ne sera simple dans l’utilisation du mot. Lemkin ensuite pour génocide. Il faut décrypter les témoignages, mettre parfois en doute la notion de mémoire. Cette adaptation est une somme qui ouvre des portes à tout un lectorat auquel elle apportera des réponses. Le droit international voit le jour à Nuremberg. Au moment même où l’Ukraine est soumise au diktat sanglant de Moscou, génocide et crime contre l’humanité sont de retour après le Rwanda, l’ex-Yougoslavie. On dira en saluant les qualités de Retour à Lemberg qu’il demande toutefois un vrai effort de lecture des 304 pages. Très bon dossier photos en fin d’album.

Retour à Lemberg, Éditions Delcourt, 35,95 €

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