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Le Joueur d’échecs, résistance de l’esprit

Retrouver David Sala est un plaisir. Il avait obtenu le prix de la ville de Sérignan en 2000, signé Replay (Casterman) ou l’excellent et prenant Nicolas Eymerich, inquisiteur (Delcourt). Cette fois il adapte une œuvre majeure, Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig. Une traversée à bord d’un paquebot pour un duel aux échecs de légende entre un maître inculte et un inconnu, sur fond de nazisme, David Sala a su restituer toute la force et les particularités du roman aussi bien par le texte, ses choix, et un dessin inspiré, violent parfois, sublimé par des teintes qui accrochent et dirigent l’œil.

1941 un paquebot s’en va vers Buenos Aires. A son bord Czentovic, champion mondial d’échecs qui part chercher de nouvelles victoires. Une énigme cet homme qui a les échecs dans le sang et n’a aucune culture. Il fuit tout le monde et ne répond à personne. Mais un des passagers va tenter de le piéger par les échecs bien sûr en organisant une partie où Czentovic va affronter seul une dizaine d’adversaires. Czentovic les écrase jusqu’au moment où un étrange personnage les conseille et met Czentovic en péril. Tous les passagers du navire ne jure plus que par ce mystérieux challenger inconnu, un autrichien, Monsieur B. Il n’aurait pas joué depuis plus de vingt ans. Avocat à Vienne et gestionnaire de fonds importants il a assisté à la montée du nazisme en 1938 et à l’annexion de l’Autriche. Il a été arrêté par la Gestapo.

On sait pour ceux qui ont lu le roman de Stefan Zweig le comment et le pourquoi du joueur inconnu. Pour ceux qui vont découvrir l’œuvre à travers l’adaptation il ne faut pas en dire plus sous peine de trahir la base même de ce qui a motivé Zweig à écrire son roman. On pourrait parler de torture par l’espérance, de résistance de l’esprit, d’apprentissage de la solitude, de combat fou. L’échiquier est une porte de sortie non sans danger. On est impressionné par les portraits de Sala, son crayon investigateur capable de révéler le fond des âmes et la part inévitable de schizophrénie du héros que les échecs peuvent mettre en danger. Un album impressionnant qui se termine par un cahier d’esquisses permettant de découvrir encore mieux le talent de David Sala.

Le Joueur d’échecs, Casterman, 20 €

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