On trace une œuvre d’art comme on trace un témoin, un suspect. C’est une histoire de passion, de courage et de volonté, un thriller, que raconte Hervé Richez dans Le Postello. Un jeune amateur qui va devenir un spécialiste tombe sur un tableau qui pourrait être un Degas. Pas signé, en butte au monde très fermé des experts, le tableau sera l’objet d’un combat incessant au fil des ans pour tenter de lui donner une origine indubitable. Une histoire vraie qui rappelle, pour l’avoir vécue, celle de la Madone de Laroque dans l’Hérault, trouvée par trois « chineurs » et attribuée à Léonard de Vinci mais rien n’est encore vraiment certain.
Au début des années 90, Stéphane est un joyeux dilettante qui gravite dans le monde des marchands de tableaux et travaille en sous-main pour l’un d’eux. Devenu élève de l’Ecole du Louvre, le hasard va l’amener aux Puces à Paris devant un tableau pour lequel il sacrifie son dernier argent, une scène de courses, qu’il croit être un travail préparatoire à l’original de Degas qui se trouve au Musée de Boston. Stéphane a mis le doigt dans un engrenage qui va bouleverser sa vie. Son tableau est semble-t-il un « postello », donc postérieur à l’original ce qui est illogique. A moins que des analyses permettent de dater l’œuvre, sans oublier l’avis d’experts qui rejettent son authenticité. Dépité puis revenant sur le sujet vingt ans plus tard, Stéphane s’accroche et met tout en œuvre pour son Degas. Il finit par trouver les clés du mystère. Stéphane devient aussi en parallèle un inconditionnel de Amann, peintre contemporain, qui va tomber en arrêt sur le fameux Degas.
Il faut suivre case à case cette enquête à la fois bouleversante et passionnante de Stéphane K. On comprend parfaitement, et c’est l’une des grandes qualités de l’album, comment on peut être investi par une certitude qui efface le doute et devient une réalité. A juste titre dans ce cas que Winoc trace parfaitement d’un dessin réaliste, mélangeant œuvres et personnages, ajoutant ses pastels, donnant une vie plein et entière à l’aventure.
Stéphane K. va mettre sa vie en jeu, son couple et finit par gagner mais en passant par d’autres portes que celles des fameux experts dont pas grand-chose encadre le travail si ce n’est la notoriété. Tout habitué des salles des ventes le dira. A la fin de l’album un très bon dossier reprend ce qu’est l’expertise des œuvres d’art que désormais la science vient conforter ou pas. Le laboratoire des Musées de France n’est pas ouvert aux personnes privées qui doivent se résoudre à l’avis d’experts. Un monde méconnu mais que ce Postello permet de découvrir à travers le destin de ce tableau.
Le Postello, Grand Angle, 18,80 €
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