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Interview : Dobbs part sur les traces de Monsieur X, nouvelle collection Comix Buro

Rendez-vous avec Monsieur X a été un rendez-vous incontournable sur France Inter. Un mystérieux interlocuteur révélait des secrets sur les grands faits historiques du siècle. Olivier Vatine et Olivier Sztejnfater ont choisi d’adapter le principe en BD. Ils ont demandé à plusieurs scénaristes de travailler sur cette nouvelle collection Comix Buro en collaboration avec Glénat. Dobbs, ce passionné d’Histoire, est l’un de scénaristes de la série. Il signe l’album sur l’affaire de la Baie des Cochons en 1961, tentative désespérée des Cubains anticastristes de reprendre le pouvoir sur l’île avec l’aide de la CIA et dont indirectement des USA. Rencontre avec Dobbs qui revient sur la génèse de la collection et son album qui sortira le 13 mars. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Dobbs relit une planche. JLT ®

Qui a eu au départ l’idée de cette collection en reprenant la thématique de Rendez-vous avec X de France Inter ?

Ce sont les deux Olivier de Comix Buro. En fait, ils m’en ont parlé à Angoulême il y a déjà pas mal de temps. Le sujet trainait. Ils savaient que le travail sur l’Histoire contemporaine m’importait beaucoup comme sur les faits militaires ou l’espionnage. On avait déjà travaillé ensemble. Ils m’ont parlé de plusieurs sujets de cette collection. Je connaissais l’émission de France Inter et j’ai défriché le sujet. Il y avait aussi avant moi des scénaristes concernés comme Hautière ou Ducoudray. Quand Comix s’est rapproché de Glénat, ils ont amené ce projet avec eux. Comix m’a recontacté en me demandant si un sujet sur la Baie des Cochons me tentait pour cette collection.

Ce sont eux qui ont proposé ce sujet ?

J’avais plusieurs sujets possibles dont la Crise des Missiles en 1962 ou des sujets sur la seconde guerre mondiale, la guerre froide. On s’est retrouvé d’accord sur Cuba et la Baie de Cochons qui pouvait servir à introduire un album futur sur la crise des missiles.

Comment avez-vous fonctionné ? Vous êtes parti de l’émission d’Inter sur le même sujet ?

On la reprend, on essaie d’en voir tous les détails car il y a un process très spécifique dans cette émission avec des interviews croisés, une intro, la voix de Pesnot en off. Il fallait trouver un autre moyen pour les albums, s’adapter au média BD. C’est Monsieur X qui rencontre un journaliste au début et à la fin de l’album. A chaque fois, ils abordent une affaire spécifique. Il fallait bien se caler avec le dessinateur Monsieur Fab que m’avait présenté Comix Buro. On a beaucoup échangé par exemple sur le lieu ou Monsieur X s’exprime dans l’album, un salon de la maquette, qui permet des raccourcis sur les évènements de la Baie des Cochons.

Comment vous avez creusé un sujet déjà très connu comme La Baie des cochons ?

Il y a un vrai travail d’adaptation et chaque scénariste de la série a mis ses capacités d’écriture en œuvre. On avait carte blanche à partir du moment où on pouvait intégrer de la fiction dans l’histoire.

Une planche à terminer. JLT ®

Point important car Monsieur X se veut un vrai dessous des cartes de faits avérés. Si on met du romanesque ce n’est pas plus compliqué ?

Non. On y est obligé pour travailler la partie épique, aventure. Mon personnage n’existe pas. Il a une fonction dans l’histoire. C’est un mercenaire recruté par la CIA qui intègre la brigade qui va débarquer à Cuba. Il est lié à la maffia et il va rencontrer tous les acteurs impliqués dans cette invasion. En parallèle, on a tout ce qui se déroule entre Castro, Kennedy ou Khrouchtchev. Cuba devenait un danger pour les USA. En réalité ce n’était qu’un rapprochement entre Cuba qui n’était pas communiste et l’URSS. Tout change dès que la CIA met un plan pour évincer le castrisme quitte à assassiner son leader, à envahir Cuba pour chasser le régime.

Vous avez un héros confronté à la réalité, un fil rouge, et se greffe dessus les faits. L’émission remet en cause l’Histoire officielle ?

Elle lui donne un autre jour, celui entre autres de la manipulation. On remet sous les feux de la rampe des faits étudiés mais quels en sont les dessous ? La politique, les opérations d’espionnage et de contre-espionnage, le déroulé. On met tout ça d’un coup en lumière dans Rendez-vous avec X. Monsieur X est une sorte d’amplificateur.

Pour un novice, Monsieur X qui c’est ? Personne. L’émission est jouée.

C’est exactement ça. C’est toute l’ambiguïté. X peut être une personnalité, un condensé. Pesnot fait l’introduction mais certains sujets sont complexes.

Un historien a la vérité comme objectif. Dans Monsieur X, ce sont des hypothèses plus ou moins étayées, qui s’enchaînent ?

On tisse des liens. C’est aussi l’intérêt de l’émission avec des répercussions en dominos. La Baie de Cochons, c’est une claque médiatique pour JFK, un succès pour Khrouchtchev qui récupère Cuba dans ses filets.

Un an plus tard avec les missiles, c’est le contraire. Khrouchtchev cède.

Oui, c’est le contrecoup à la limite de la guerre totale.

Il ne faut donc pas tomber dans des voies de traverses malgré le côté péremptoire de l’émission.

Cela permet un travail par étapes. Avec une chronologie, des connections sur de grands sujets. Pour moi qui voulait travailler sur la crise des missiles de Cuba, la voie royale c’était d’abord un travail sur la Baie des Cochons.

Combien d’albums sont prévus pour le lancement ?

Quatre : La Chinoise, la Baie des Cochons, Mata-Hari, le dossier Pilecki et les camps nazis. Pour la suite, c’est à préciser par Comix Buro. Par rapport à mon album, il faut voir si on accroche, si on est dans le ton de l’adaptation radiophonique. L’émission a été arrêtée il y a quelques années.

Vous avez eu besoin de beaucoup de documentations ?

Oui. Militaire, des uniformes, du matériel, on est dans le réaliste avec Monsieur Fab. Des navires, des avions etc… Les débats de l’élection américaine entre Nixon et Kennedy, les studios de TV de l’époque.

Il faut quand même avoir des bases pour un lecteur afin d’appréhender un sujet pareil ?

On est effectivement sur la politique intérieure et extérieure des USA à l’époque, en 1961.

Vous avez transmis un scénario complet au dessinateur ?

Comme je fais d’habitude. Je fais un synopsis validé par l’éditeur, paginé ensuite par séquences modifiables. Découpage après dont je parle avec le dessinateur qui prépare les personnages, uniformes. J’ai eu quatre mois de travail sur le sujet plus le suivi des pages, je regarde. Le scénario est livré complet pour qu’il puisse faire un story-board. L’album comportera 54 pages de BD et peut-être un cahier historique avec la cartographie.

Si vous aviez des sujets à choisir dans cette collection pour la suite hormis Cuba ?

Hormis la crise des missiles, il y aurait la seconde guerre mondiale et les affaires d’espionnage, les opérations spéciales des deux côtés à travers les émissions existantes. C’est une obligation pour la série. Il faut attraper le style de Monsieur X. Toujours la même voix, c’est didactique, cynique et parfois ironique. C’est bien joué et on revient sur cette ambiguïté : qui est-ce qu’on entend ? Cela m’avait séduit. On apprend des choses.

Vous adhérez à son analyse sur la Baie des Cochons ?

Je n’ai pas à adhérer. Pour moi, c’est d’incarner Monsieur X face au journaliste un peu candide de l’album. Il lui présente une situation, des flash-backs. En parallèle avec le déroulé de l’émission. Il fallait de l’empathie et de la personnalisation. Que ce soit populaire, excitant, pédagogique et ludique.

La Baie des Cochons est un échec pour la politique interventionniste US ?

Kennedy veut y aller mais il tergiverse. Ils y vont à reculons sans la force de frappe prévue. Il ne fallait pas non plus que ce soit une évidence que les Américains en étaient les acteurs.

Les Américains savaient ce qu’ils voulaient ou c’étaient des amateurs ?

Amateurs, non. Indécis et la CIA lâchée politiquement oui. Avec les réfugiés cubains, ils auraient pu gouverner en sous-main mais ils voulaient s’appuyer sur une révolution populaire impossible avec la côte d’amour de Castro en 61. Ils voulaient avoir un gouvernement populaire qui aurait fait appel aux USA pour justifier une intervention. Beaucoup de si. Castro savait semble-t-il où ils allaient débarquer, une zone marécageuse à récifs, avec des péniches qui se sont plantées, une aviation cubaine pas détruite. Et sans soutien US des canons de la marine ou aérien.

Et après Cuba, vos projets ?

Le tome 2 de Nicholas Le Floch, L’Homme au ventre de plomb, chez Hachette, une bio de François Ier, de l’heroïc fantasy avec Vatine et Cassegrain au dessin pour Sa majesté des ours. Puis plusieurs projets à voir plus tard dont un western et une bio historique.

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