Elle continue sa débâcle l’armée française, en troupeau qui grossit à chaque kilomètre. Juin 1940 c’est presque les tristes colonies de vacances sous contrôle des Teutons casqués devenus moniteurs. Sauf qu’ils ont le Mauser facile les vainqueurs et peuvent abattre le troufion récalcitrant. Dans ce tome 2 de La Déconfiture, Pascal Rabaté nous fait suivre à la trace Videgrain, un ancien motocycliste devenu piéton, direction l’Allemagne et ses stalags de charme. Une balade que Rabaté narre en détails, sans fioritures, d’un trait pur, simple et pourtant si proche du désarroi de ces hommes qui ne comprennent pas vraiment ce qui se passaient, auront du mal à supporter la gifle. Et à s’en remettre après quatre ans de captivité.
Il marche Videgrain accompagné des copains dont un petit comptable qui a des états d’âme, pas fait pour la guerre et surtout tirer un trait sur sa vie pépère. Il n’y a plus rien à bouffer non plus. On partage ce qui reste. Le comptable, il préfère rendre les armes une seconde fois et se pend. Civils et militaires sont sur la route et quelques villageois généreux ravitaillent les prisonniers. Les Allemands ont plus que des réticences sur les soldats noirs de la Coloniale, Sénégalais ou même Algériens. Ils ne vont pas se gêner d’ailleurs pour en abattre un bon nombre sans défense. Videgrain a trouvé un gramophone. Un officier allemand se joue une corrida à cheval sous l’oeil de ses captifs. Une évasion se prépare à quatre mais il peut y avoir un traître dans le coin. Un Sénégalais est assassiné. Videgrain prend la fuite avec ses amis, tourne en rond et se retrouve au milieu d’un autre camp de prisonniers. Pas de chance.
Rabaté, au dessin sans surcharge, a réussi à donner à son récit une telle authenticité, une telle force humaniste qu’on reste éperdu devant cette souffrance collective panachée de résignation et de mise en pièces des certitudes. Quand on a pu côtoyer, écouter d’anciens des stalags, La Déconfiture restera comme un document certes en partie romanesque mais un vrai témoignage de l’incompréhensible, de la bêtise des chefs, le ras-le bol des enfants adultes de ces poilus qui s’étaient faits tuer pour qu’en 14 ce soit la der des ders. Enfin Rabaté rend hommage aux soldats français noirs qu’on en envoyé au front face à une Allemagne qui les méprisait au point de les abattre sur place et de ne pas les accepter dans les stalags par peur de contaminer la race aryenne. Videgrain est un brave type, courageux sans déraison, honnête. Jusqu’à un certain point. Les deux tomes de La Déconfiture sont un grand moment de BD mais aussi d’histoire humaine. Les deux couvertures sont superbes de dessin et de message.
La Déconfiture, Tome 2, Futuropolis, 20 €