Les contes et nouvelles de Maupassant sont non seulement des chefs d’œuvre à lire et relire mais aussi d’excellentes sources d’inspiration et d’adaptation en BD. En voici un nouvel exemple réédité chez Grand Angle avec Didier Quella-Guyot au scénario et Sébastien Morice qui signent Boitelle et le Café des colonies, une charge forte et émouvante contre un racisme ordinaire à une époque où il était, qui plus est, considéré comme « normal ».
Le père Antoine Boitelle vide les fosses à purin. Quand il rend visite à son patron Maître Auballe, il tombe en arrêt sur la statue d’une jeune noire posée sur un meuble. Auballe, intrigué, va pousser Boitelle à se confier et à lui raconter comment, soldat à 18 ans, il était tombé amoureux d’une jeune serveuse de couleur pendant son séjour au Havre. Le Café des Colonies est le fief de Norène, enfant trouvé sur un cargo et adopté par une vieille poissonnière. Devenu adulte elle arrive à persuader le patron qu’une jeune noire au Café des Colonies ce sera bon pour le commerce. Mais on est en Normandie, à la fin du XIXe siècle et quand Boitelle propose à Norène de l’épouser c’est sa famille qui refuse, la trouvant trop « noire ».
Des paysans qui sont dépassés par leur propre racisme, la peur de l’autre, un fils qui n’ira pas contre la volonté de ses parents, ni le courage d’aller au bout de son amour, ce Café des Colonies a une force et une tristesse incomparable. On sent qu’il aurait fallu peu de choses pour que le bonheur triomphe mais Maupassant a été lucide et sa nouvelle finalement toujours d’actualité. Didier Quella-Guyot donne une suite écrite au Café, intéressante et joyeuse. On aimé bien sûr aussi le dessin de Sébastien Morice après son superbe Facteur pour femmes, une ligne claire somptueuse avec aussi Quella-Guyot au scénario. Un duo à suivre de très près.
Boitelle et le Café des Colonies, Grand Angle, 13,90 €
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