Avec Black Lord (Glénat), direction l’actualité la plus chaude, celle des pirates qui prennent en otages équipages, abordent yachts ou cargos qui longent, en Mer Rouge, les côtes de Somalie. Jean-Michel Ponzio au dessin toujours ultra-réaliste et les Dorison, Xavier et Guillaume, signent une série nerveuse avec des personnages aux caractères bien trempés. Ce texte a aussi paru dans le numéro de mai de ZOO pour lequel il a été écrit. Xavier Dorison aura Carte Blanche à la Comédie du Livre à Montpellier les 25 et 26 mai. Jean-Laurent TRUC.
Un capitaine déjanté, Maxime Stern, barre un yacht de luxe, le Trinity, sur lequel un riche industriel a embarqué sa fille et ses amis pour son anniversaire. Des pirates somaliens aborde le navire et font la razzia. Histoire de sauver sa peau, le capitaine, blessé, se jette à la mer. Dès lors l’action va aller crescendo. Guillaume Dorison, sur une idée de son frère Xavier, a fait un vrai sujet de cette piraterie moderne qui a pour cadre la corne de l’Afrique. « Xavier n’avait pas le temps de traiter ce thème tout seul. On s’est donc embarqué à deux dans l’aventure ».
Le principe adopté pour Black Lord est celui des saisons TV. « Nous sommes sur des cycles de deux albums, et à chaque fois nous explorons des thèmes avec pour base l’histoire des pirates somaliens. Le premier album commence en 2003, au début du phénomène, et c’est le capitaine, Maxime Stern, qui sera le fil rouge du récit ». On se doute vite que le marin mal rasé a eu une autre vie version baroudeur dans les Forces Spéciales. « Stern, c’est le dernier samouraï de la Mer Rouge mais on a voulu surtout montrer le quotidien de ces pirates. La vérité a été déformée. Il n’y a pas de méchants ni de gentils. La guerre civile en Somalie, les zones de pêche pillées, la pollution volontaire des côtes, tout cela a contribué à ce que se développe ces prises d’otages. D’artisanale, la piraterie est devenue professionnelle ».
Stern, un marin de choc
Un vrai business comme le dit Guillaume Dorison. Lui et Xavier le montre bien dans ce premier album. On est encore, en 2003, face à un gang à l’échelle d’un village. Les pirates sont aux ordres de Hassan, un chef de clan, qui a son conseiller en communication, Churchill, un type qui a étudié dans les facs anglaises. A lui de négocier les rançons. Stern, le marin de choc, a échoué sur une plage. Il est sauvé par un pêcheur somalien dont la fille est la copine de Churchill.
Ouvrez le feu. Tension maximum avec drogue, meurtres, fric et honneur perdu, entre Stern et ces boucaniers modernes une lutte à mort s’engage sous l’œil de Churchill qui cherche son camp. On ne saura pas de suite d’où vient Stern. « Nous ne le disons pas même si on laisse des indices au fil des pages. Idem pour Churchill l’intellectuel qui a une vision haut de gamme de la façon dont il peut perfectionner ce trafic d’otages. Dans le tome 2 prévu en septembre, l’ambiance rappellera celle du film d’Eastwood, l’Homme des hautes plaines. L’album sera encore plus puissant, efficace, riche en informations. Cela dit, on avait effectivement pensé avec Xavier à un film avant de passer à une idée de séries », ajoute Guillaume Dorison. La sortie rapprochée entre les deux tomes, c’est aussi une philosophie éditoriale destinée « à ne pas perdre de lecteurs et ne pas le décevoir », ajoute le scénariste.
Le dessin cinématographique de Ponzio
Depuis 2003 les prises d’otages se sont radicalisées en Mer Rouge. En 2008 c’est l’affaire du Ponant dont les passagers seront libérés contre une rançon et les pirates arrêtés par la France. Trois ans plus tard, en 2011 on comptait près de 700 marins et une quarantaine de navires déroutés. « C’est ce qui a fait parler de la Somalie, un pays en guerre, défavorisé, et les pirates se disent être des garde-côtes qui protègent leur pays. Les grandes puissances ont dû mettre en place une sécurité accrue ». Les Dorison se sont lancés dans une histoire de la piraterie au XXIe siècle. « Impossible de tenir dans 46 pages. Avec Xavier on travaille ensemble sur le séquencier de l’album. Nous rédigeons un script détaillé et les dialogues ensemble. Dès le départ, pour une histoire pareille, le nom de Jean-Michel Ponzio s’est imposé à nous ». Le dessin très particulier de Ponzio, on pense à un roman-photo, fait la différence. Cadrage cinématographique, gros plans, Ponzio donne vie à son dessin et colle l’action au plus près dans la lignée de ses ouvrages précédents, Le Protocole Pélican ou Le Complexe du chimpanzé.
Pas de faiblesse et de temps mort dans ce Black Lord, un début de série qui enchaîne les rebondissements, les retournements de situation, de l’action pure et dure. Hasard ou signe du destin, Guillaume Dorison va rester en Mer Rouge. En parallèle de Black Lord, il écrit un album sur Henri de Montfreid dans la série Les Grands explorateurs chez Glénat. Montfreid, l’écrivain aventurier, avait lui-aussi trafiqué en Mer Rouge sur son boutre mais cela sera une autre histoire.
Articles similaires