On n’avait plus vraiment de nouvelles d’Olivier Pont depuis une dizaine d’années et Où le regard ne porte pas (Dargaud) qu’il avait dessiné et co-scénarisé avec Georges Abolin. Un succès. La réalisation de courts-métrages, de scénarios de séries TV l’avait détourné de la BD. Olivier Pont revient. Dans DesSeins (Dargaud), il parle avec tendresse des femmes bien sûr, en trace des portraits tout en finesse, avec ce dessin si prenant et émouvant qui le caractérise. Ce texte a aussi paru dans ZOO d’octobre.
Dix ans, c’est long pour une coupure. Olivier Pont ne s’en cache pas : « J’étais passé à 100% du côté de la scénarisation de séries TV comme Ainsi-soit-il. J’avais envie d’aller vers autre chose, plus loin, vers le cinéma, la réalisation. C’est une tendance chez moi de vouloir toujours évoluer ». Sans regrets, Olivier Pont, pour la BD. « Mon éditeur a joué le jeu. On a des rapports simples et je n’ai pas été poussé à la roue ». Quand on demande à Olivier Pont pourquoi ce retour, il répond avec la franchise qui le caractérise : « C’est un choix alimentaire ». Un sourire au coin des lèvres, droit dans ses bottes, et d’ajouter : « J’avais déjà la première histoire courte de l’album, celle qui raconte comment Chloé, adolescente, vit très mal d’avoir un physique ambigu qui la complexe, une petite poitrine. J’ai choisi de partir sur ce thème ».
« Dès le début j’ai eu l’idée de ce recueil. Les seins sont très représentatifs de la femme et fascinent les hommes. Les femmes ont aussi un rapport très personnel avec leurs seins ». Sujet porteur, intelligent, un format, la nouvelle, qui le met plus à l’aise pour écrire, en passant à chaque fois à une autre histoire courte, Olivier Pont raconte des femmes qui réagissent, se libèrent d’une façon ou d’une autre.
Au générique on trouvera Mathilde, en 1968, qui quitte le douillet domicile conjugal et brûle son soutien-gorge sur les barricades avant d’entamer une liaison avec une autre femme. « Il faut penser combien c’était dur un choix pareil pour un femme en mai 68 », complète Olivier Pont. Et c’est la jeune fille de Mathilde qui comprendra seule sa mère. « Mais le puritanisme est de retour aujourd’hui » regrette Olivier.
Le sein est symbole de la féminité, de la fertilité : « Elykya dans cette autre nouvelle en Afrique, sera la muse dont les seins inspirent un jeune sculpteur, Ousmane. Un couple qui va permettre à la pluie de revenir grâce à ce fétiche et sauver la population. Je me suis pris d’affection pour Elykya. Je ne sais pas si je ferai une suite mais j’aimerais savoir ce qu’ils deviendront ».
Comment mieux parler de seins que de montrer les dessous d’une boutique de lingerie, « A Fleur de peau », où passent des femmes de toutes origines ou professions. Une petite maison prise au piège des promoteurs sans scrupules. Fleur conseille, reçoit ses sœurs en féminité. Quand on incendie la boutique pour obliger Fleur à vendre, elles vont mordre, policière, juge, agent d’assurances, pas question qu’on touche à leur refuge. Victoire par KO. « J’aurai pu faire de la boutique de Fleur le fil rouge des nouvelles mais j’ai finalement préféré m’en servir pour conclure, une synthèse finalement. Ces femmes parlent d’elles en toute liberté ».
Après DesSeins, Olivier Pont a un autre projet d’album mais travaille aussi sur une commande de série TV. Il exposera les planches de DesSeins chez Champaka à Paris en novembre, sans angoisse, et content d’avoir bientôt son album entre les mains, renoué avec la BD. Olivier Pont aime les femmes, une évidence, toutes les femmes et « celles aussi qui n’ont pas besoin des hommes ».
DesSeins, Dargaud, 120 pages couleur, 17,95 €
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