C’est à la fin de l’album qu’Olivier Pont, son auteur, dévoile comment il a écrit, mis en images ce Bouts d’ficelles improvisé. Car c’est une comptine, oui, le célèbre bouts de ficelles, selle de cheval, cheval de Troie que va vivre en une sorte de tableau vivant le héros, un brave type, embarqué dans un polar urbain loufoque où sa peau est en jeu. Olivier Pont a déroulé le canevas sans savoir où il allait. On l’avait rencontré pour DesSeins ce poète du quotidien qui sait aussi le corser, le dramatiser comme dans Là où le regard ne porte pas. De quoi cheminer entre comédie burlesque et film noir très serré.
Il est grassouillet, sympa, rêveur et flashe sur une blonde dans le métro, Thibault. En descendant de la rame pour la suivre, il percute une autre jeune femme un brin allumée qui trimballe des sacs de croquettes pour chat. Judith embauche Thibault pour lui filer un coup de main et apporter les croquettes à une vieille dame souffrante qui vit au cinquième étage. Mais alors que Judith descend rejoindre son mec, la vieille meurt devant Thibault. Quand les flics arrivent ils embarquent le pauvre Thibault bien incapable d’expliquer sa présence près du cadavre qui, avant d’en être un, lui a fait promettre de s’occuper de ses chats. Direction le poste mais pendant le trajet les poulets vont sur un casse et se font piquer leur bagnole par l’Épouvantail, un malfaisant rigolo qui emporte Thibault en prime. Y’a des jours, on se demande. L’Épouvantail déboule chez ses potes, de vrais méchants qui n’aiment pas les témoins vivants. Avenir incertain pour le Thibault mais l’Épouvantail a des remords et le fait s’évader. Seconde cavale et les gangsters aux fesses pendant un concours de sosies.
Il n’a pas mis la pédale douce Olivier. Il le trimballe, le secoue, lui fait frôler l’éternité, le plonge dans des situations cauchemardesques le dodu Thibault. Le tout en improvisant, en enchaînant les séquences à l’improviste. Du Lelouch revisité BD. Et ça marche car il est doué Olivier Pont. Il sort de son chapeau des personnages atypiques, des trépanés psychopathes ou une grande sauterelle qui a pris les toits de Paris comme terrain de jeu. Sans oublier l’Épouvantail, une sorte de Jean Rochefort au grand cœur. Un ministre marabouté, c’est aussi pour la comptine. Comme il est sympa Olivier Pont, il ne va pas coller un destin fatal à son héros. Mais cela c’est à lire en direct. Un dessin qui s’envole au grès du vent et transporte les personnages. Improvisation qui mixe les situations entre elles et en font une petite musique très harmonieuse.
Bouts d’ficelles, Dargaud, 18 €
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