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Interview : Philippe Guillaume et Stéphane Brangier avec Boisserie ont suivi à la trace l’or belge qui se barre

Philippe Guillaume, Pierre Boisserie, des pointures en scénarios historiques. Stéphane Brangier est au dessin et on l’a rencontré à Paris au Festival du Livre avec Philippe Guillaume. L’Or des Belges est une histoire à la fois incroyable et superbe support d’une aventure pleine d’action et de rebondissements. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC

Stéphane Brangier et Philippe Guillaume au Festival du Livre de Paris 2022. JLT ®

Philippe Guillaume, comment vous est venue cette idée de travailler sur cette histoire d’or des Morfalous qui se barre en douce, le trésor des Belges avec au passage celui de la Pologne et une partie de celui des Français en 40 ?

P.G. : On n’y avait pas pensé à cette référence, les Morfalous. Bien vu. On avait envisagé de mener la série La Banque jusqu’à nos jours. Dargaud n’a pas voulu mais j’avais commencé à travailler le sujet, la documentation entre les deux guerres mondiales. On avait posé dans les tomes 5 et 6 des éléments qui pouvaient permettre la poursuite de la série. Je suis tombé sur le banquier du Reich mais aussi sur un bouquin sorti en Suisse titré L’Or des nazis et dans lequel était évoqué la pérégrination incroyable de l’or belge en Afrique en 1940.

Un voyage mais aussi qui se transforme en coup tordu.

P.G. : Oui, avec la Banque de France et le gouvernement plus tard de Vichy en embuscade. Le livre parlait de cette opération sous l’angle de ce qui avait guidé les nazis pour le récupérer. Avec Pierre Boisserie on s’est dit qu’il y avait un truc à faire.

Comment vous êtes-vous associé sur ce sujet avec Pierre Boisserie ?

P.G. : On a toujours été en liaison sur d’autres thèmes et c’était naturel. Je lui ai parlé de cette anecdote pas très développée dans le bouquin où il mentionnait l’arrivée de l’or à Dakar puis transportée à travers l’Afrique. On a creusé le sujet et on a pensé qu’il y avait de quoi prendre la base historique et y apporter une part romanesque. Dans le Banquier du Reich on en a mis très peu. Là, quand j’ai commencé à enquêter je n’ai pas trouvé grand-chose. Avec peu de précisions on pouvait plus facilement s’étendre sur la part romancée.

Comment êtes-vous arrivé dans cette aventure Stéphane Brangier ?

S.B. : Cela fait des années que je travaille avec Pierre Boisserie. On se suit dans les projets. Je le vois venir. Et là c’est un sujet en or effectivement, une superproduction.

Avec des personnages atypiques sur fond de guerre mondiale ?

S.B. : C’est ça, entre Indiana Jones, Le Salaire de la peur ou autre. Ce qui est super c’est que la réalité historique s’y ajoute. On dit souvent que les scénarios ne peuvent pas être plus fous que la réalité. Inventé cela n’aurait été pas crédible.

P.G. : Une histoire peu connue même pour les Belges. La France a rendu l’or mais on en dira plus dans le tome 2. L’or des Polonais ce n’est pas mal non plus. Il y a même le trésor royal belge qui lui sera rapatrié directement mais on n’en parle pas.

Le début et la fin on les connait ?

S.B. : Non, vous savez vous comment se terminera le prochain tome ? (Rires) L’idée et la richesse du sujet c’est aussi la part de fiction même s’il y a une documentation précise.

P.G. : Le document le plus précis vient de la Banque de France dans les années 90 qui éditait ses cahiers historiques. Il y a un numéro dans lequel un article traite le sujet avec ce qui se passe pour cet or aux USA entre 1943 et 1945.

S.B. : Il y a l’Histoire, notre part de fiction scénarisée et une zone grise entre les deux où on a une latitude pour naviguer, interpréter.

Avec une galerie de personnages possibles, plausibles.

S.G. : Le capitaine du croiseur est réel, le Polonais aussi, l’Allemand qui a assigné à résidence le roi des Belges et puis il y a des héros mystérieux. On ne peut rien dire de plus. Le commando de quatre héros hétéroclites est fictionnel. L’ordre de De Gaulle aussi. Il en parle peu dans ses mémoires.

Le dessin démystifie le mythe ?

S.B. : Oui, il y a des personnages qui tirent plus vers la caricature. En revanche pas De Gaulle.

C’est un dessin très cadré, réaliste.

P.G. : L’échec de Dakar avait anéanti De Gaulle. La marine britannique s’est fait rembarrer par les Français de Vichy. Les ferments de la décolonisation sont aussi présents dans l’album.

L’humour est très présent. La couverture de l’album est très cinéma.

S.B. : L’humour est nécessaire. Pour la Une c’est voulu. Il faut citer le studio Dargaud qui m’a beaucoup aidé. Il fallait une Une lisible dans la style des affiches d’après-guerre. Ma façon de travailler a évolué entre le tome un et le deux. Je suis passé au tout numérique. Pas dans le tome 1 plus traditionnel sur papier. J’avais fait la même chose avec la Banque. Je trouvais que cela se voyait mais pas cette fois.

C’est quoi le plus simple ?

S.B. : Le numérique, c’est super mais on peut se perdre. A l’inverse terminer avec de l’encre sur le papier c’est bien mais c’est moins souple. Il vaut mieux au départ d’un projet se frotter au papier. Une fois que les personnages sont acquis comme les choix graphiques, c’est plus facile avec le numérique.

Comment travailliez-vous ensemble ?

P.G. : Je fais tout le travail documentaire. Après avec Pierre Boisserie on travaille l’histoire et il fait le découpage par morceau. On peut changer des choses parfois.

S.B. : Cela a été le cas avec De Gaulle, déprimé, qui va mandater le héros. On avait du mal à savoir comment l’impliquer et c’est une idée qui est arrivée en cours de route, qui s’est fondue dans le scénario.

On est un peu dans un western ? Un train, l’or.

S.B. : Il y a toute cette imagerie qui fait partie de celle d’Indiana Jones que je recycle.

P.G. : Avec des attributs comme le blouson de cuir, le chapeau, les sacoches en bandoulière. On laisse toute sa liberté au dessinateur

S.B. : La partie graphique était là. J’ai tenté le coup avec ces détails.

On a donc un roman d’aventure, historique, romanesque, mystérieux.

P.G. : C’est un hommage au cinéma de nos jeunes années. En BD on peut faire ce qu’on veut.

S.B. : Le livre c’était avec la couleur une immersion dans un film d’époque aux moyens énormes. D’où le fond texturé vieux papier difficile à régler sans assombrir les couleurs. Le découpage est aussi très cinématographique. J’avais été tenté à une époque par le story-board d’animation et j’ai recyclé certaines techniques pour optimiser au mieux mon dessin pour se rapprocher du langage cinéma. Avion, chameau, pirogue, train, camions, dans La Dernière Croisade le réalisateur a dit qu’il avait mis plus ou moins consciemment tous les moyens de transport dans le film, dirigeable et side-car compris.

Il y a une évolution à vos yeux de la conception graphique de la BD ?

S.B. : Oui dans ce style de BD. Soit on est has been, soit précurseur d’un genre nouveau. On n’est plus majoritaire. J’espère qu’on peut aussi être plus visible.

La documentation a été difficile à rassembler ?

P.G. : Un très gros travail, difficile pour trouver des éléments qui dépassait le simple départ de l’or de Dakar, etc… Il en fallait plus et je voulais que le fond historique ne soit pas contestable.

S.B. : Ce n’est pas un documentaire. Et on a voulu le cahier éditorial à la fin pour expliquer aussi tout ce qu’il n’y avait pas dans les planches.

Pour que le lecteur ne se perde pas. Et donc le tome 2 sortira en 2023 ?

S.B. : On va voir. Même si on prépare ce qui va se passer après mais on ne peut pas en dire plus. Même seul. Tout n’a pas été présenté encore.

P.G. : On a plusieurs idées et pistes liées au moins à l’économie au sens large du terme. J’ai aussi une idée sur la Guerre d’Espagne qui couvre de 1936 à 1980. Mais pas de contact éditeur pour l’instant.

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