C’est un sujet d’abord méconnu mais aussi hors normes et une très bonne histoire. Pat Perna dont on connait les talents d’enquêteur, de journaliste confirmé et bien sûr de scénariste avec Darnand ou Kersten, s’est lancé sur les traces d’un jeune Suisse qui avait projeté de tuer Hitler, pas moins. Maurice Bavaud en 1938 fait une première tentative qui échoue mais cela ne l’arrêtera pas. Il finira dans les mains de la Gestapo et sera jugé en Allemagne, décapité. Curieusement la Suisse ne fera rien pour le sauver. Et ne le réhabilitera pas considérant que Hitler ou un autre, une tentative de meurtre en fait un coupable. En reprenant l’enquête, Pat Perna embarque ses lecteurs en Allemagne de l’Est au début des années 50, où on peut encore à Berlin passer d’une zone à l’autre. On suit les traces d’un héros ex-flic inspiré partiellement à Perna par un certain Philippe Kerr comme il le dit dans son interview que vient de publier Ligne Claire. Avec Perna, il y a au dessin Francisco Ruizge dont le coup de crayon apporte à cet incroyable récit pourtant vrai un relief saisissant. Sortie le 6 janvier avec un second titre de Perna, cette fois avec Bedouel, Valhalla Hôtel sur lequel nous reviendrons très vite.
9 novembre 1938 à Munich (qui sera aussi le jour de la terrible Nuit de Cristal antisémite), Maurice Bavaud pénètre dans l’enceinte où Hitler et les les membres du parti nazi viennent célébrer la commémoration du coup d’état manqué de 1923. Il est armé et va tirer sur Hitler mais la foule de sympathisants devant lui sur la tribune le gène. Il n’appuie pas sur la détente. En 1955 à Berlin Est, Guntram Muller, ex-flic de la Kripo (police criminelle allemande transformée en Sipo pendant la guerre sous autorité SS) devenu journaliste vient en aide à un jeune stagiaire, Wolf Fiala et le prend sous son aile. Il l’amène au tribunal où va être prononcé la sentence pour une éventuelle réhabilitation de Bavaud, décapité par les nazis. Échec, le tribunal considère que Hitler était un être humain digne d’une protection juridique. Bavaud était donc coupable de tentative de meurtre. Son père présent et son avocat se taisent devant Muller et Wolf. Muller avait pu à l’époque rencontrer Bavaud en prison et était chargé de l’enquête où de nouveaux éléments étaient apparus.
On est à la fois dans un thriller, un polar, un drame humain très marqué politiquement et historiquement si ce n’est que par le jeu ambigu de la Suisse face aux nazis. Pourquoi cette volonté tenace de Bavaud de tuer Hitler ? Commandité, manipulé, ou simple loup solitaire d’autant plus dangereux qu’intraçable ? Perna, par Muller et Wolf, remonte la piste dans ce diptyque très bien cadré et passionnant. Une sort de jeu de chat et de la souris au début aussi de la déstalinisation sous l’œil d’une CIA bornée et d’une Stasi redoutable. Perna distribue les cartes et on va bien voir qui tire les As. Des ambiances parfaitement dans le ton grâce à Ruizge.
La Part de l’ombre, Tome 1, Tuer Hitler, Glénat, 14,50 €
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