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L’Ombre rouge, Semprun étonnant enquêteur

Un mélange intelligent et étonnant cependant, celui que fait Jean-Pierre Pécau dans L’Ombre rouge en reprenant le destin de la photographe Tina Modotti et en y ajoutant comme maître de cérémonie celui de Jorge Semprun, nettement plus connu du public français, rencontré autrefois à la Comédie du Livre à Montpellier. Le tout sur fond de communisme revu et revisité, de lutte à mort entre Staline et Trotsky. Semprun héros de BD, enquêteur, l’auteur scénariste de Z, de L’Aveu, de Section Spéciale, le résistant déporté, exclu du PC, aurait-il pu être celui que, de façon romanesque, Pécau fait suivre à la trace le parcours tragique et politique de Tina Modotti ? Ce qui est sûr c’est qu’il va falloir que bon nombre de lecteurs se rafraîchissent la mémoire sur ces personnages un brin oublié ou méconnus. Le dessin de Jandro Gonzalez est exacerbé, tragique mais avec de belle envolées graphiques qui nourrissent bien le sujet. On se souvient que Denis Lapière et Ruben Pellejero avait déjà évoqué Tina Modotti dans l’excellent L’Impertinence d’un été en deux tomes (Dupuis).

1983 à Londres, Semprun découvre des photos inédites de Tina Modotti. En Espagne, elle couvre la naissance de la République. Celui qui donne ces photos à Semprun est malade, un ancien agent militaire soviétique. Semprun vient de rompre avec le PC français. Comme l’a fait autrefois Tina avec le Komintern, acte dangereux à l’époque. Tina serait morte d’une crise cardiaque en 1942. Version officielle validée par Pablo Neruda dont Semprun a connu l’épouse abandonnée par son mari en Hollande pendant la guerre. Néruda et Aragon même combat. Pour savoir la vérité sur la mort et le passé de Tina, la première étape sera de revoir Vidali, ancien compagnon de Tina, et Semprun accepte la mission avec les photos. Semprun se souvient de l’arrivée de Tina aux USA, migrante et jeune fille d’une rare beauté. Elle est rapidement impliquée dans des luttes syndicales. Un destin en parallèle avec le sien dont la guerre d’Espagne va être le point d’orgue.

Un vrai jeu de piste que Semprun décline. Tina sera une égérie, rencontrera Weston son amour photographe, Diego Rivera et avec lui bien sûr Frida Kahlo. Mais Tina est aussi un agent du PC soviétique dont l’amant, le fameux Vidali est le chef de réseau.On n’oublie pas Trotsky. Pécau rend hommage à travers la quête de Semprun à Tina Modotti, photographe de talent, courageuse, impliquée. Direction le Mexique où tout se jouera. Un roman d’espionnage, avec ses coups tordus, ses traîtres et manipulateurs, Jean-Pierre Pécau signe ce qui donnerait un superbe film et le dessin de Jandro Gonzalez s’impose au fil des pages. Du haut de gamme avec son suspense et des hypothèses où Semprun va comprendre pourquoi on l’a choisi. Il n’y a jamais de hasard avec les maitres espions de la Place Rouge. L’album aurait mérité une postface ou un dossier.

L’Ombre Rouge, Glénat, 22 €

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