Avec le tome 2 de Kersten, médecin d’Himmler, en fait son masseur, Pat Perna et Fabien Bedouel terminent leur diptyque paru chez Glénat consacré à un personnage incroyable grâce auquel des milliers de juifs entre autres ont pu être sauvés. Kersten soigne le chef de la Gestapo et des SS ce qui lui donne un pouvoir certes ambigu mais qu’il met au service des victimes des nazis. Un sujet passionnant mais pas neutre sur lequel Pat Perna est revenu avec ligneclaire.info pendant le festival Quai des Bulles à Saint-Malo. Propos recueillis par JL. TRUC.
Revenir sur la vie du médecin d’Himmler n’a pas été sans conséquences. Le tome 1 a suscité des réactions ?
C’est assez effrayant. Quand on touche à un sujet comme Kersten il y a des polémiques immédiates. C’est vrai qu’il y a matière à débattre mais le rôle de Kersten dans le sauvetage de déportés juifs est incontournable. On avait déjà connu cela après le livre de Kessel, Les Mains du miracle au début des années cinquante, quand il lui a rendu hommage. Et Kessel, vrai résistant au milieu des nazis, ne pouvait pas être taxé de favoritisme.
Ce que vit Kersten est hors du commun et il met en danger sa vie en permanence ?
Tout dans cette histoire est extraordinaire. L’attentat réussit contre Heydrich à Prague n’avait pas de rapport avec Kersten mais c’est son plus farouche ennemi qui disparaît. Les commandos avaient été formés par les Anglais. Par contre l’avion qui transportait Kersten a bien été mitraillé. Cela a été consigné. Pour l’attentat que monte Karltenbrunner, successeur de Heydrich, contre sa voiture on n’a pas de traces écrites.
Comment considérez-vous votre travail sur Kersten, vous le journaliste aguerri ?
Je n’ai pas fait œuvre d’historien, et ce n’est pas une thèse sur la vie de Kersten. Il ne tire pas d’avantages personnels de sa situation. Il tire même dangereusement sur la corde à la fin. Même si Himmler l’implore car il le soulage de ses maux d’estomac, il est face à la folie nazie. Tous les chefs nazis sont terrorisés par les réactions potentielles d’Hitler. Himmler aussi donc il risque gros si Hitler apprend ce qu’il fait à la demande de Kersten. A la fin de la guerre Himmler veut sauver sa peau.
Il y a eu des témoignages en faveur de Kersten car son rôle avait été remis en question et vous le dites dans le tome 2 ?
Oui, dont celui de l’OSS, service de renseignement américain. J’ai extrapolé en fait. Schellenberg, nazi réfugié en Suède, a aussi parlé. Même si il y avait des liens entre lui et Bernadotte qui a tout fait pour discréditer Kersten. On parle encore des bus blancs chargés de déportés qui ont disparu des camps de la mort vers la liberté. Folke Bernadotte était une figure emblématique difficilement attaquable car il avait aussi fait libérer des Juifs, les fameux bus, et Kersten le gênait.
Une BD n’est pas un support aussi sérieux qu’un livre en fait ?
Ce n’est pas faux. On la remet en question parce que c’est justement une BD. Et on se fie trop facilement à des sources comme Wikipédia. En fait un lecteur de 30 ans ne sait pas qui est Himmler, et voire Hitler. Donc c’est important de faire des BD comme celle-là. Il faut en remettre une couche sur une période pareille. L’histoire de la 2ème Guerre mondiale se perd. Il faudrait repartir à zéro. On a aujourd’hui une vision partielle du conflit et par le cinéma avec des films comme Il faut sauver le soldat Ryan ou Le Jour le plus long. Le sujet était fort et avec Fabien Bedouel on s’est totalement investi dedans.
Vous avez un autre projet ensemble ?
Oui, plus noir, avec un style graphique différent de Kersten. On ira à Cayenne à l’époque du bagne sur les traces d’Albert Londres qui s’est battu contre ce système. Ce sera l’histoire d’un bagnard au destin incroyable, Eugène Dieudonné qui va s’évader de la Guyane au Brésil et que Londres fera réhabiliter. J’ai un autre projet chez Glénat toujours avec Fabien. On s’est connu avec Kersten et on a découvert le plaisir de travailler ensemble en parfaite harmonie.
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