Non, Paris n’a pas été submergé. Et pourtant le titre du recueil de dessins signés par Sfar dans Paris Match, Paris sous les eaux, aurait pu prêter à confusion. Mais une crue n’est pas obligatoirement aquatique. Titre à tiroir ? En fait, Sfar parle de Parisiens, un brin bobos, amoureux, artistes, branchés portable, web, net, réseaux. Des aquarelles délicates dont l’auteur du Chat du Rabbin, griffes acérées mine de rien, fait autant de courtes satires ironiques mais le plus souvent souriantes. Dans Match, Sfar alterne avec Sempé, redoutable décrypteur de nos travers, de nos us et coutumes acquises sur fond de modes depuis des années. Sfar se place avec talent dans un autre registre, dialogue en phases courtes, apporte à ses scènes de vie sa part de romantisme naturelle. Pas simple mais réussi cette ballade dans la capitale.
On se rencontre, on se trompe, on s’aime et on se quitte. Parfois mais l’amour est complexe à effet boomerang. Qu’il soit adultérin ou officiel. Les brunes n’aiment pas les blondes. Le whisky donne bonne haleine à un noble sexagénaire et le président ne se trouve bien que chez Le Président. Les flèches fusent. Rencontre sur Facebook, clown d’hôpital face au radicalisme, le ton est ferme, grinçant, direct. Une œuvre d’art est-elle plus forte sur une photo que dans sa réalité objective ? On s’interroge et on partage l’émotion de l’auteur quand elle n’écrit pas. Absurde, non sens ? Futur du couple qui s’ennuiera, écueil inévitable. Un chat sans sixième sens, assurance décès, blog érotique, l’eau monte vite.
Sfar sait manier l’auto-dérision. On le sent car ses personnages ont sûrement un peu de lui. Et de nous. Bonheur ? Bonjour tristesse, on ne sourit pas toujours à ses dessins qui peuvent aussi plonger dans des univers inquiétants. Chiens et chats qui parlent, disent du Sfar, on en a l’habitude. Héroïnes subtiles qui mènent la danse, héros désabusés, dans les rues, les lits, les galeries ou les cafés, Sfar est allé les chercher pour en faire des témoins de nos angoisses, envies, doutes d’un quotidien dont il se fait le chroniqueur averti.
Paris sous les eaux, Gallimard, 22 €
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