La seconde intégrale de la série de Carlos Giménez, Paracuellos, présente pour la première fois les deux derniers albums 7 et 8 que l’auteur, après une pause de 15 ans, a finalement dessiné en 2016 et 2017. On sait que Giménez s’est inspiré de sa propre vie, de son séjour dans les orphelinats mis en place par le franquisme après la guerre civile pour réaliser Paracuellos. Il a 5 ans Giménez quand les portes de ce pénitencier sans pitié se referme sur lui. Ce sera l’occasion de signer une œuvre déchirante, empreinte d’une émotion à fleur de peau, de violence aussi, celle d’adultes cruels, bêtes et embrigadés par un régime fasciste qu’on a laissé faire. Comme le dit Giménez, ces enfants, dont il a fait partie, sont avant tout ceux qui rendront à l’Espagne sa démocratie. Sûrement parce qu’ils avaient pu juger en direct de la médiocrité et de la haine d’un régime malfaisant.
Pablito est un fan de BD. A l’orphelinat, il se réfugie dans la lecture alors que sa maman, malade, ne pourra venir le chercher. Perucha a été son meilleur ami. Grâce à lui qui a fait du troc et une collecte, Pablito a pu acheter la série El Cachorro mais il ne l’a pas vraiment remercié. Au contraire. Portetito, le méchant du foyer, va ajouter au malaise de Pablito. Mais les comptes se régleront bien un jour. Qui seront les hommes de demain comme le scande l’hymne franquiste ? Ces jeunes gymnastes venus faire une démonstration chez les petits, la faim au ventre ? Pablito retrouve son grand frère, Tonin qui lui apprend à bien prononcer les je. Les surveillantes sont agressives et violentes. Pablito est leur souffre-douleur.
Chaque image, chaque histoire est un condensé de tristesse. On est pris aux tripes par la vie au quotidien de gamins méprisés, maltraités, affamés, sous des prétextes soit-disant patriotiques ou politiques, religieux. Le dessin de Giménez est d’une force telle qu’on ressent toute la peine des enfants, innocents et attachants qu’on monte, en plus, les uns contre les autres. La loi du plus fort, c’est une vraie leçon que donne Giménez avec Paracuellos. Une narration brillante, au découpage instinctif, sans pause, sentimentale, au paroxysme du supportable car on sait que ce qu’il montre est vrai. Un témoignage rare de la réalité du franquisme et une découverte de ses deux derniers albums. Un dossier sur l’histoire de Giménez clôture l’intégrale.
Paracuellos, Intégrale 2, La suite inédite, Fluide Glacial, 29,30 €
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